Le Jardin Pêcheur, restaurant solidaire

Ilot préservé du passé au centre d’un quartier à l’ambitieuse modernité, le Jardin Pêcheur attire d’abord par sa physionomie extérieure, une étonnante structure en bois brut. Marc Eyssatier, l’architecte du projet, a choisi de prolonger les façades de maisons anciennes par une extension rappelant une coque de bateau inversée. Il nous livre ainsi son interprétation de la guinguette telle qu’elle a pu exister sur les bords de Loire dans le passé. On ne danse pas encore au bord de la Garonne mais cette adresse nous réserve de belles surprises.

A la fois restaurant et entreprise adaptée*, cette nouvelle adresse apporte une vraie dimension humaine au quartier des bassins à flots. Pour revenir au projet, le jardin pêcheur doit à la guinguette sa filiation avec la première réalisation de Pierre Maly à Trelissac en Dordogne. Ce jeune retraité, ancien directeur d’un centre médico-social a déjà créé en 2007 un premier restaurant, lieu de vie et entreprise sociale. Il souhaitait alors prolonger son travail d’accompagnement de jeunes psychotiques par une structure capable d’offrir un emploi aux adultes handicapés.

Pour lui, toute personne même cassée ou cabossée a besoin d’une inscription sociale qui passe par un travail. Il milite avec enthousiasme pour le droit au travail généralisé. Face au handicap, il ne baisse pas les bras. Son discours est éminemment convaincant, d’autant plus qu’il parle avec une grande simplicité d’une problématique qui nous semble si complexe. Avec un public très éloigné de l’emploi capable d’assumer un poste sur un nombre limité d’heures, il ne renonce pas. Je le cite :

Quand on est face à un unijambiste. Soit on lui parle de la jambe qui lui manque et on pleure. Soit on lui parle de celle qui lui reste et on lui propose d’avancer avec.

Fort de cette formidable philosophie et de la réussite de son projet périgourdin, il a su convaincre un grand nombre d’interlocuteurs de le suivre dans cette belle aventure humaine. En premier Nicolas Michelin, l’architecte responsable de l’atelier des Bassins à Flots a complètement adhéré au projet. C’est lui qui a voulu cet emplacement unique et symbolique comme un trait d’union entre Bacalan la rouge et le Bordeaux bourgeois des Chartrons.Bordeaux Métropole, propriétaire du terrain a concédé un bail emphytéotique de 45 ans avec une clause d’exploitation en entreprise sociale et solidaire. Duval Développement porte le projet immobilier dont le jardin pêcheur est seulement locataire. Il a fourni la structure brut de béton. L’investissement pour les aménagements intérieurs et le matériel de cuisine se monte à 900 000 euros financés à hauteur de 850 000 euros par des subventions :

  • 250 000 € du FEDER, Fond Européen de Développement au titre de la politique de la ville
  • 165 000 € de la Fondation Eiffage
  • Et aussi la Caisse D’Epargne, la Fondation Bruno, l’Honneur en Action et le CCAH.
  • Au total, une quinzaine de donateurs ont participé au projet.

    Equipement ultra moderne pour une meilleure ergonomie des postes de travail

    Le matériel permet de soulager le personnel

Le restaurant ouvert depuis seulement huit jours démarre très fort. L’emplacement stratégique au pied du pont Chaban-Delmas et l’architecture identitaire du lieu attirent. Le professionnalisme de toute l’équipe et la résonnance sociale du concept finissent de gagner une clientèle de bureau qui trouve un lieu où bien manger dans un quartier encore peu équipé. A la tête du restaurant, Amandine Tribbia, une grande professionnelle, ancienne de Starbucks que la maladie a détourné momentanément d’un parcours prometteur. En cuisine, Le chef Arnaud Labodinière encadre et conseille une équipe encore en phase de rodage. Enthousiaste et pédagogue, le seul valide de l’établissement veut porter son équipe au plus haut pour proposer chaque jour un menu complet et un service à la carte le soir.

Le Chef Arnaud Labodinière et une partie de sa brigade

Ce midi, nous avons choisi la formule à 17€ avec salade, le poisson du jour et un crumble. Frais, bon et servi rapidement. Le Jardin Pêcheur semble bien parti. Il ne manque qu’un rayon de soleil pour que le restaurant valorise son gros potentiel, une terrasse avec vue. Installée au premier étage, elle dispose d’un joli aperçu sur le pont Chaban-Delmas. Les visiteurs de la cité du vin toute proche, les employés des sociétés du quartier vont adorer le spot.

Le Jardin Pêcheur- Garonne

  • 05 56 10 88 68
  • 1 quai Armand Lalande, Bordeaux
  • Ouvert tous les jours du petit déjeuner au diner.

 

* L’Entreprise Adaptée (EA) place au cœur de son projet les personnes handicapées qui ne peuvent, temporairement ou durablement, s’insérer dans l’entreprise ordinaire.

Elle est une entreprise à part entière, qui permet à des personnes reconnues travailleurs handicapés orientés par la Commission des Droits à l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) « marché du travail » d’exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées à leurs besoins.

Elle emploie au moins 80% de salariés handicapés dans ses effectifs de production.

Le statut du travailleur handicapé qui y est employé est celui d’un salarié de droit commun à part entière. Leur contrat de travail peut être à durée déterminée ou indéterminée. Ils perçoivent un salaire fixé compte tenu de l’emploi qu’ils occupent et de leur qualification par référence aux dispositions réglementaires ou conventionnelles applicables dans la branche d’activité, qui ne peut être inférieur au SMIC.

 

Pour aider les Entreprises Adaptées à réaliser cet objectif et compte tenu de leur spécificité, elles bénéficient de deux aides de l’Etat :

  • Une aide au poste
  • Une subvention spécifique qui compense les surcoûts liés à l’emploi de personnes handicapées à efficience réduite.

Les Entreprises Adaptées passent un contrat d’objectifs triennal (COT) avec les services de l’Etat, qui vaut agrément.

EA :

  • Mission : intégrer durablement les travailleurs handicapés dans l’emploi
  • Objectif : créer de la richesse pour créer des emplois durables et de qualité
  • Financement : Autofinancée à 80%
  • Le travailleur est un salarié, il est rémunéré à 100% du SMIC minimum

 

Crozes-Hermitage, Un vin du Rhône puissant et élégant.

Crozes-Hermitage, un vin puissant et généreux qui ne manque pas de noblesse. Moins prestigieux que son illustre voisin Hermitage, mais d’un prix largement inférieur. Voici ma shortlist. Du plaisir en partage.

culture en terrasse

Domaine Combier

  • RN7, 26600 Pont-de-l’Isère
  • 04 75 84 61 56
  • 25 hectares de vignes en Crozes-Hermitage et Saint Joseph
  • Vendanges manuelles

Propriété familiale depuis 1936. Dès 1970, Maurice Combier, vigneron visionnaire, se lance dans l’agriculture biologique. Son fils Laurent continue l’aventure dans le respect du fruit, la Bourgogne en modèle. Aujourd’hui, il utilise toutes les techniques modernes de vinification : cuve en inox thermo régulées, cuve ovoïdes en béton pour élever sa cuvée de jeunes vignes. Une obsession de l’hygiène pour limiter l’utilisation du souffre.

Cap Nord 2015, Crozes Hermitage

  • Nouvelle cuvée en parcellaire
  • 100% Syrah
  • Elevage en futs de 4 ans
  • Belle robe d’un rouge intense.
  • Arôme de violette typique de la Syrah et de fruits noirs
  • Puissance et élégance.

Le Domaine des Grives

  • 100% Syrah
  • L’excellence selon tous les guides. Classé premier dans un récent tasting de Crozes de la RVF. Non accessible à la dégustation. On a pu acheter trois bouteilles. Elles vont aller vieillir tranquillement en cave. On en reparle dans trois ans.

 

Domaine les Bruyères

  • 12 chemin du stade, 26600 Beaumont-Monteux
  • 04 75 84 74 14
  • 20 hectares au cœur de l’appellation Crozes-Hermitages
  • certifié biodyvin
  • Terroir de chassis
  • Vendanges manuelles

 

David Reynaud s’est installé sur les vignes du grand-père en 2000. Il commence par sortir la propriété de la coopérative pour vinifier à sa façon. Puis il abandonne l’agriculture conventionnelle au profit du bio. Certifié en 2005, il continue dans sa démarche vers toujours plus de pureté avec le choix de la biodynamie. A la cave, il utilise uniquement du souffre volcanique à minima et refuse tout intrant. David Raynaud vinifie en cuve béton dans le respect du fruit et ne passe qu’une partie en barriques. Toujours en recherche, il a fait rentrer une nouvelle cuve sphérique et tente une première cuvée de vin orange ( vin blanc vinifié comme un rouge). Il a choisit pour cela un œuf plastique plus poreux que le béton. Le raisin va y macérer pendant un an. La production sera limitée à 50 bouteilles. On aimerait bien faire parti des happy few invités à la dégustation. Aujourd’hui au domaine, David et sa femme vendent le 2014 et le 2015.

Le 2015, riche en matière doit encore attendre un peu. Le 2014 donnera du plaisir aux impatients.

Cuvée Crozes Hermitage Rouge Les Croix 2014

  • 100% Syrah. 17,50 € prix domaine
  • Cuvée parcellaire d’une sélection de vignes de plus de 50 ans
  • Elevage en 12 mois en barriques de 4 et 5 vins.
  • Belle robe rouge soutenue
  • Arôme de fruits noirs et d’épices.
  • Concentré mais harmonieux. Gourmand et voluptueux en bouche

Cuvée Georges Raynaud 2015

  • 100% Syrah, 15,50€ prix domaine. la cuvée emblématique du domaine.
  • Arômes de fruits noirs, savoureux en bouche et tannins structurés mais de la souplesse

 

Domaine des Remizières

  • 1459 avenue du Vercors, 26600 Mercurol Veaunes
  • 04 75 07 44 28
  • 34 hectares sur plusieurs communes dont Tain l’Hermitage et Crozes-Hermitage
  • Vignes conduites en bio à l’exception de certaines parcelles escarpées, pas de certification

Ici la vigne se travaille en famille. A la tête de l’exploitation le père Philippe aidé de sa fille Emilie œnologue et de son fils Christophe. Ils travaillent la vigne en agriculture raisonnée

 

La cuvée Christophe Rouge, Crozes-Hermitage

  • 100% Syrah, 14,90 € prix domaine.
  • Vieilles vignes de 60 ans
  • Vinification en cuves béton ou inox.
  • Elevage de 15 mois en barriques de 1 vin à 70%
  • Un très joli représentant de l’appellation à la belle robe cerise.
  • Des tannins bien présent mais agréables, de la complexité.
  • A attendre quelques années pour mieux l’apprécier.

La cuvée Emilie, Hermitage

  • Mon coup de cœur
  • 100% Syrah, 36,80€ prix domaine.
  • Un Hermitage fin et élégant à prix tout doux, une vraie bonne affaire.
  • Robe rouge soutenue, joli nez et velours en bouche, des tannins ronds

Notre journée se termine avec panache avec cette cuvée Emilie toute en délicatesse,

une jolie conclusion pour cette belle journée en Rhône.

Vignes de la Colline de l’Hermitage en Biodynamie

 

Diner gastronomique au restaurant Côté Rue

Invitée par le Chef à découvrir la carte du moment, je reviens avec plaisir chez Côté Rue, une des meilleures adresses du bordeaux gastronomique. Le Chef, Rudy Ballin dont tu trouveras l’interview sur le blog étonne de maturité et de précision. Il nous livre son interprétation de la cuisine française apprise aux cotés des plus grands. Son parcours hors norme l’a conduit de palace en restaurant trois étoiles, des cuisines du Bristol à celles de la maison Pic. Chef-propriétaire depuis 2015, il ambitionne de garder le juste équilibre entre le classique et le moderne. Exigeant sur l’esthétique, il ne lâche rien sur le goût afin de faire de notre dégustation une succession d’émotions gastronomiques.

A la première visite, les lieux interrogent. Les hauts plafonds moulurés du XVIII, les colonnes de stuc, les parquets en chevrons et les miroirs monumentaux témoignent d’un passé glorieux qu’il nous tarde de connaître. Ni salle de danse, ni hall d’exposition, nous sommes au rez-de-chaussée d’un ancien hôtel qui abritait un cercle de jeu, inhabituel et excitant. On s’amuse à imaginer les fins de soirées de liesse. On fantasme sur la proximité des chambres qui donnait aux heureux gagnants l’opportunité de fêter leur chance en belle compagnie.

Installés à notre table, nous ne jouerons pas aux cartes mais vivrons le dîner comme au théâtre. La cuisine en mode show-cooking permet de ne rien manquer du spectacle qui se joue habituellement en coulisse. Rudy Ballin et son second Pierre-Damien Peurien cuisinent à quatre mains en totale complicité. Pas un bruit de voix ne vient troubler le repas, le duo fonctionne en parfaite harmonie.

En salle, officie Simon Reyna assisté de son épouse Lauriane Brun pour la sommellerie, deux anciens de chez Jean Sulpice à Val Thorens. Simon, tout en sourire et courtoisie prévient nos demandes, répond aux interrogations sur la cuisine du chef. Lauriane prend le relais pour les boissons. Sa sélection de vins au verre accompagne et sublime la cuisine de Rudy Ballin.

Suivant la tendance du moment, le restaurant propose un seul menu décliné en cinq plats précédés d’amuse-bouche et accompagnés de quelques mignardises.

Nous prenons connaissance du programme du jour autour d’une coupe de Champagne de la maison Trudon et d’une pana cotta d’aneth, pamplemousse rose, graines de sarrasin et œufs de poisson volant on the top. Suavité de la crème, croquant de la graine et note acidulée de l’agrume, voilà une belle proposition pour réveiller nos papilles.

Nous continuons par une surprise du chef. Merci Rudy pour cet exquis tartare de Saint Jacques, sésame et caviar d’Aquitaine. Quel heureux mélange, la Saint Jacques douce, gourmande s’allie avec volupté à la fraîcheur iodée du caviar, le tout boosté par le poivre de Timut appelé aussi poivre pamplemousse. L’assiette contient toute entière la signature du chef : raffinement de la présentation, omniprésence des fleurs comestibles et saveurs inattendues. J’adore !

Pour suivre, l’œuf bio cuit à basse température sur son crémeux châtaigne et parmesan. La poitrine de cochon, croquante presque réduite en poudre on the top apporte la note salée-fumée qui twiste l’onctuosité du plat. L’ensemble se marrie parfaitement avec le Pouilly Loché du Domaine Tripoz, élégant Chardonnay élevé en biodynamie. Amateurs de Bourgogne blanc nous apprécions ce Macon vif et minéral à la robe claire et au nez de fleurs blanches.

Nous revenons à la mer avec une noix de Saint Jacques panée à la poudre de livèche servi entière avec son sabayon au safran, betterave et baies acidulées de cranberries en side. Pour accompagner un Saint Pourçain, jeune appellation de la Loire à majorité de Chardonnay. L’intrépide du Domaine des Berioles porte son nom avec panache, vin sur la fraîcheur et la minéralité.

Filet de daurade sur la peau, émulsion café note de mandarine.

Caille fumée et parfumée à l’huile de combawa. Elle copine avec des navets salsifis glacés et se marrie avec audace au feuille de limon cress, un herbe de la famille du basilic au parfum de citron vert. La volaille appelle un rouge léger comme le Château Reine Blanche, un Saint Emilion à dominante Merlot. Belle robe griotte.

Une transition avant le dessert une mousse de brie à la truffe et pomme rôtie servie tiède et un sorbet avocat pomme granny.

Le final sera à la hauteur du menu, déclinaison autour de la passion, de l’ananas et du curcuma. Une assiette tout en délicatesse mousse de chocolat blanc, bille de fruit passion sur une feuillantine de chocolat, glace ananas-curcuma et son verre de Banyuls domaine du Traginer. Petit plaisir des becs sucrés, assemblage de grenache blanc et de Muscat petits grains, explosion de fleurs et teneur en sucre maîtrisée.

La soirée s’achève en douceur. Il est déjà tard, le temps a filé dans cet endroit intimiste ou personne ne te presse pour libérer la table. Le chef ne fait qu’un seul service. L’équipe se détend, les convives sont heureux.

Nous avons passé une merveilleuse soirée pleine de surprises et de découvertes entourées d’une équipe désormais au complet. Le restaurant a trouvé son équilibre, le chef devrait être rassuré. Mais en jeune homme ambitieux et pressé, il prépare activement l’avenir. En juin Côté Rue changera totalement de visage, la cuisine descendra au sous-sol. J’ai hâte de découvrir le nouveau visage du restaurant.

Côté Rue

  • 05 56 49 06 49
  • Menu 31 € le midi et 56 €le soir
  • Du mardi au vendredi et samedi soir
  • 14, rue Paul Louis Lande, Bordeaux
  • Adresse proche du musée d’Aquitaine

Petite rue étroite, prévoir un stationnement en parking

 

En savoir plus sur les les meilleurs restaurants de Bordeaux, cliquez ici.

Entretien avec Rudy Ballin, restaurant Côté Rue à Bordeaux

Rudy Ballin a ouvert son restaurant gastronomique rue Paul Louis Lande en juin 2015. Dès les débuts, j’ai aimé l’esthétique des lieux atypiques et chargés d’histoire. J’ai aimé les assiettes et les saveurs de la cuisine. Admirative mais tellement surprise par la jeunesse du chef, 25 ans en 2017, j’ai cherché à comprendre d’où venait une telle maturité. Voici quelques réponses à notre insatiable curiosité. Merci Rudy pour ce bel échange autour de ta passion cuisine.

La cuisine et toi c’est une histoire qui débute comment ?

Je suis d’une génération télé-réalité. J’aimais déjà la cuisine. Les émissions de Cyril Lignac m’ont donné l’envie d’en faire mon métier. Je me suis renseigné sur les filières. Entre Ferrandi et Médéric, j’ai choisi le L’école hôtelière de Paris. J’ai commencé à 14 ans par un apprentissage au Bristol, Paris.

3 dates à retenir de ton parcours culinaire ?

  • 2006 Obtention de mon BEP cuisine à l’école Médéric, Paris. Je conclue deux années passionnantes de formation au Bristol avec le chef Eric Fréchon, un grand monsieur, M.O.F et alors deux étoiles au Michelin
  • 2012 Je suis nommé sous-chef à la Dame de Pic, le nouvel établissement Parisien de madame Pic. Je reste en poste jusqu’à la première étoile, un grand moment de bonheur.
  • 2015 En Juin, j’ouvre Côté Rue, un projet qui a muri entre Pierre-Damien Peurien et moi autour de ce lieu atypique.

 Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?

J’ai été contacté par monsieur Robuchon pour l’ouverture de la Grande Maison. Je souhaitais quitter Paris, j’ai accepté le poste de sous-chef et l’énorme challenge de seconder un chef japonais complètement étranger à la gestion à la Française. J’ai eu sous ma responsabilité le management d’une équipe de 45 personnes.

Je ne regrette pas, j’aime Bordeaux, son énergie, la dynamique actuelle qui anime ici le monde de la gastronomie. J’apprécie la proximité avec l’océan et la montagne. Ma famille habite sur le bassin, c’est mon refuge.

 Tes influences, ta source d’inspiration ?

Madame Pic m’a transformé. Elle m’a accueilli à Valence avec beaucoup d’humanité et d’attention, mais aussi beaucoup d’exigences. Avec elle, je réapprends le métier. Elle me donne les moyens de progresser et d’être au niveau pour prendre le poste de second auquel elle me destinait. Je suis encore imprégné de sa cuisine florale. Comme elle, j’aime les goûts marqués. Je veux que l’on ressente le produit. Je n’hésite pas à aller dans la concentration.

 Ton mode de création ? De l’idée à l ‘assiette, quel cheminement ?

Je travaille sur le menu dans sa globalité. Nous le renouvelons entièrement chaque mois avec des produits de saisons. Je construis mes assiettes autour de trois textures : du fondant, du croquant et du cuit. Je déroule mon menu en utilisant différentes techniques : du fumé, du siphon, de l’émulsion … Ensuite je pars sur les idées du moment et ensemble, avec l’équipe nous testons, nous goûtons. Toutes les associations ne sont pas aussi évidentes que le sabayon au curcuma et la daurade. Naturellement mes recherches doivent intégrer les contraintes liées à notre espace de travail. La cuisine totalement ouverte ne permet pas les cuissons au sautoir. Les convives n’apprécieraient pas le mélange d’odeurs qui en résulterait.

 

Tes fournisseurs, tes bonnes adresses produits ?

Je travaille uniquement des produits frais. J’utilise essentiellement des produits régionaux, label rouge et bio dans certains cas. Cependant je ne me limite pas aux fournisseurs locaux. Je travaille les produits que j’aime sans m’interdire d’aller chercher le Fera du Léman ou le loup de méditerranée. Nous avons la chance en France d’avoir accès à un garde-manger d’une incomparable richesse. Pourquoi devrais-je m’en priver ?

 Quelle est ton idée de la cuisine, ton envie quand tu te mets aux fourneaux ?

J’ai une approche très traditionnelle de la cuisine. Je suis un adepte d’Escoffier. Pour moi, nous devons impérativement respecter les tailles, les cuissons. Toute cuisine doit être irréprochable. Je recherche l’excellence.

Côté Rue affiche complet tous les soirs, Tripadvisor te classe dans le top 5 des restaurants bordelais et tu restes toujours aussi concentré en cuisine. Inquiétude légitime de chef-propriétaire ou extraordinaire envie de tutoyer les étoiles ?

Tripadvisor reste un formidable outil marketing, il nous aide à remplir notre carnet de réservations. En même temps il augmente la pression journalière. Chaque client doit repartir totalement satisfait. Tout problème doit se régler dans l’instant. Cela crée une forte tension en coulisse. J’ai la chance d’avoir un restaurant complet tous les soirs mais je suis chef-propriétaire. Les services sont durs et je ne veux pas décevoir mes clients. Je dois assurer la régularité au quotidien, me montrer pédagogue avec mon équipe, trouver les mots, les motiver quand le découragement arrive. Un chef trop serein n’a pas conscience de ses défauts.

L’étoile, j’en rêve. J’ai vécu ces moments d’exceptionnelles émotions où elle arrive. J’ai vu madame Pic fondre en larme en cuisine pour la première de la Dame de Pic. Il y a une telle tension. C’est la finalité de beaucoup de souffrances et de pressions psychologiques.

 

Les qualités que tu préfères chez un chef ?

  • La modestie

 Tes produits doudou ?

  • Les épices, les baies sauvages, le genièvre, les baies de cannelier, les feuilles de combawa
  • Tous les cafés du monde.
  • Les fleurs, le jasmin, l’hibiscus, la violette, le mimosa.

 Le mimosa ?

Oui. J’en récolte en ce moment au Cap Ferret le dimanche. Je le fais sécher et le l’utiliserai en infusion le mois prochain.

 Ton plat signature ?

Difficile. Il y a eu le bœuf fumé au bois de hêtre, déclinaison de salsifis et blé noir.

Je ne peux pas encore parler de plat signature, d’identité culinaire. J’ai des origines italienne et marocaine, je viens de Paris. J’emprunte aux différentes cultures. Je suis encore dans le questionnement. Je vais avoir 25 ans en 2017, je ne pense pas avoir encore tout dit.

 Une adresse pour aller boire un verre ?

Nous finissons trop tard le soir pour aller boire un verre. Il me reste le dimanche. Je m’échappe sur le bassin à la cabane du Mimbeau par exemple.

 Ton actu, très projets ?

En 2017, nous gardons le rythme. Nous ouvrons une seconde adresse dans Bordeaux centre. Nous en reparlerons très vite. Parallèlement, Côté Rue sera entièrement restructuré. La cuisine descend au sous-sol dans un espace de 45m2. Mon équipe en salle est désormais complète (Simon Reyna et sa compagne Laurianne Brun viennent de nous rejoindre en salle). Je vais pouvoir me consacrer entièrement à ma cuisine et retrouver en espace fermé une totale liberté d’action. Je vais par exemple reprendre les cuissons au sautoir. La Salle à manger sera totalement rénovée avec l’aide d’un architecte Bordelais. Nous gardons l’idée d’un seul service avec trois temps de réservation entre 19h30 et 21h30. Nous travaillons sur le projet pour faire de Côté Rue un lieu unique, résolument gastronomique et contemporain. Je ne peux en dire plus aujourd’hui. Comme en cuisine, il faut créer la surprise.

Côté Rue

  • 05 56 49 06 49
    Menu 31 € le midi et 56 €le soir
    Du mardi au vendredi et samedi soir
    14, rue Paul Louis Lande, Bordeaux
    Adresse proche du musée d’Aquitaine
    Petite rue étroite, prévoir un stationnement en parking

 

 

Châteauneuf-du-Pape, Les caves de Château la Nerthe

L’éphémère papauté française nous a laissé en héritage un des vins les plus célèbres de la vallée du Rhône, Châteauneuf-du-Pape et quelques superbes propriétés comparables aux stars Bordelaises. Voici en images, mon retour sur la visite du Domaine de la Nerthe. Il serait un des plus anciens de l’appellation, son histoire remonte au XII siècle. Le vignoble se partage entre les communes de Châteauneuf-du-Pape et celle de Bédarrides, un terroir de galets roulés qui donne aux vins leur belle singularité. (+ d’infos sur l’appellation dans mon article précédent )

On ne visite pas le Château du XVII mais la cave d’une longueur supérieure à 100 mètres, magnifique organisation souterraine. Dès l’entrée, la magie des lieux opère. Ici le temps semble suspendu, le silence règne. On se prend à chuchoter sous les voutes centenaires, le mystère du vin est total. On marque l’arrêt devant les spectaculaires cuves en pierre datant du 16° siècle et dont les parois mesurent 1m 20 d’épaisseur.

cuve de pierre

On rêve devant l’espace de stockage privé où le domaine fait vieillir le vin acheté par de prestigieux restaurants.

A l’issue, on remonte en surface pour mieux faire connaissance avec les vins de la propriété. Nous avons testé le blanc, le second vin et les Châteaux la Nerthe 2013 et 2006.

Le 2013 :

  • Assemblage de Grenache pour 43%, syrah 30%, Mourvèdre 22% Cinsault 5%
  • Année difficile avec un printemps froid, démarrage tardif de la végétation qui retardé les vendanges. Faibles rendements
  • Belle robe rubis
  • Nez de fruits rouges, de fraise et d’épices.
  • De la fraîcheur, de l’élégance. Tannins encore jeune mais délicats.
  • A attendre encore quelques années.

Le 2006

  • Assemblage de Grenache pour 53%, syrah 27%, Mourvèdre 15% Cinsault 5%
  • Robe éclaircie, de la fraîcheur. Prêt à boire.

 

Les Principales caractéristiques du Domaine de la Nerthe

  • Propriété de la famille Richard depuis 1998
  • 92 hectares cultivés en agriculture biologique et certifié bio depuis 1998
  • les 13 cépages de l’AOC sont représentés, les principaux : le Grenache, la Clairette, le Mourvèdre, Le Picpoul, le Terret et la Syrah.
  • Production de 5 cuvées dont Le Château la Nerthe en blanc et en Rouge -90% des vins-
  • Vendange manuelle totalement éraflée, co-fermentation des différentes variétés arrivées à même maturité, fermentation malo-lactique en cuve de pierre.
  • Elevage de 12 mois en fût de chêne de un ou de deux vins ou en foudre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Châteauneuf-du-Pape, mon coup de cœur pour le domaine du Vieux Donjon.

Appellation mythique de la méditerranée, le village de Châteauneuf-du-Pape se découvre par la silhouette de son illustre château. Il n’en reste que deux pans de murs, fantomatique représentation de la résidence d’été du pape avignonnais Jean XII. L’éphémère papauté française nous a toutefois laissé en héritage un des vins les plus célèbres de la vallée du Rhône que nous achète avec une belle régularité une clientèle à 80% étrangère.

Pour s’imprégner des lieux, rien ne vaut une balade vers le castel à travers les rues étroites du village. En haut, sur l’esplanade, on bénéficie d’une vue à 180° sur les Alpilles, le Lubéron, le mont Ventoux, sur les vignes en contrebas et sur le Rhône. Le fleuve a donné son identité à la terre, mélange de sable et de gros galets roulés, pierres arrachées aux montagnes puis polies  dans leur voyage vers l’aval.

A ce terroir si singulier, il faut ajouter le Mistral. Le vent assèche la terre, brutalise la vigne. La plante souffre mais elle s’adapte. A contrario, Le vent protège, il sèche les feuilles après la pluie et empêche la maladie de s’implanter.  Sur ces terres de caractère, Les vignerons ont su acclimater un grand nombre de cépages qui font la richesse du vin. Si L’AOC autorise 13 variétés, l’usage tend à n’en garder que les principaux à savoir : le Grenache, la Clairette, le Mourvèdre, Le Picpoul, le Terret et la Syrah. Les rendements sont limités à 32 hl/ha. La vendange est manuelle avec tri obligatoire. Autre particularité, la taille en gobelet obligatoire pour le Mourvèdre, le Grenache Noir, le Picpoul Noir et le Terret noir. La vigne sera non palissée, encore un élément tout à fait caractéristique du paysage.

Quel vin naît de ces belles singularités ?

Les Châteauneuf-du-Pape sont connus pour être généreux, ronds et structurés. Je partage mon coup de cœur pour le Vieux Donjon, un vin de propriétaire classique dans sa vinification et bien représentatif de l’appellation. Certaines terres du domaine du Vieux Donjon voisinent avec celles du Château Rayas. Nous reviendrons sur la star locale lors d’une prochaine visite car sans rendez-vous, monsieur Reynaud n’a pu nous accorder que le temps d’une courte conversation.

Les Principales caractéristiques du Vieux Donjon

  • Domaine familial de 13 hectares cultivé en agriculture raisonnée
  • Production d’une seule cuvée
  • Vendange manuelle partiellement éraflée, co-fermentation des différentes variétés en cuve béton, 20 à 25 jours de macération avec un remontage par jour, élevage de 18 mois en foudre dont certains ont plus de cinquante ans.
  • Vente directe 27€, dont 80% à l’exportation

 Le 2014 :

  • Assemblage de Grenache pour 75%, syrah 10%, Mourvèdre 10% Cinsault 5%
  • Belle réussite pour une année difficile avec un printemps sec et un été pluvieux qui retardé les vendanges.
  • Avant de déguster, prenons le temps de nous arrêter sur le contenant, la belle bouteille frappée du blason rappelle les origines papales. L’étiquette à l’écriture gothique, la silhouette du Château viennent renforcer le côté médiéval et donne au vin un surcroît d’authenticité. Ici l’histoire, les traditions priment sur toute modernité tapageuse.
  • Belle robe rubis.
  • Nez de fruits rouges, de fraise et d’épices, cannelle et clou de girofle
  • élégant et raffiné.

 

Le Muscat de Beaumes de Venise, balade dans le terroir.

Beaumes de Venise, le nom sonne comme une caresse, promesse de douceur et de fête. Pourtant le petit territoire de 500 hectares ne ressemble en rien à la ville des amoureux, ni canal, ni palace dans ces paysages à la beauté sauvage. Ici la nature joue de l’extraordinaire. Nous sommes au pied du majestueux massif des Dentelles de Montmirail dans un pays montagneux où l’homme lutte pour produire un vin d’exception. Car la magie de la vigne veut que d’une terre rude naisse un breuvage délicat connu depuis longtemps pour être le meilleur des vins doux naturels français. Pour approcher au plus près de ce terroir singulier, nous sommes partis en balade dans les vignes avec Théo Xavier, un jeune vigneron membre de la coopérative Rhonéa. Théo a le Trias tatoué sur le cœur et la vigne dans le sang. Il a commencé son apprentissage tout gamin sur les pas de son grand-père. Son ainé lui a tout appris de la terre et du raisin. Un BTS passé en Bourgogne lui a permis de valider ses connaissances et d’améliorer son savoir.

Aujourd’hui il travaille avec son père sur le domaine familial de vingt et un hectares plantés essentiellement en muscat blanc à petits grains le seul autorisé dans L’AOP Muscat de Beaumes de Venise. Les vignes sont dispersées, aucune parcelle de dépasse un hectare. Il aimerait bien conduire la vigne en bio mais les réalités économiques l’empêchent de franchir le cap à court terme. Cependant, il faut modérer notre jugement sur cette démarche avant de jeter la pierre sur une pratique raisonnée de la culture conventionnelle. Ici le climat méditerranée, sec et venteux permet de limiter les traitements chimiques au strict nécessaire, trois passages au maximum par an. Nous ne sommes pas en terre de chimie lourde. Théo respecte trop sa terre pour la gaver de produits toxiques. Il nous en fait découvrir la singularité par un parcours initiatique à travers ces collines cultivés en terrasses.

Théo a l’amour de son pays chevillé au corps. Il veut partager sa passion et multiplie les arrêts pour mieux nous montrer la beauté de sa terre. Notre itinéraire commence à la Chapelle Notre Dame d’Aubune, merveille de l’art Roman provençal. Nous prenons le temps d’admirer la vue depuis le parvis avec le mélange très italien de la vigne et des oliviers, une constante dans l’appellation.

L’adorable Chapelle Notre dame d’Aubune

les fameuses grottes baumo en provençal qui ont donné leur nom au territoire

Nous continuons les yeux grands ouverts sur la beauté de notre environnement mélange de plateaux balayés par le vent, de coteaux et de combes. Théo s’attarde sur les différents sols, les terres blanches de Bel air, les terres grises des Farisiens et les terres ocres du trias. Il raconte la construction des murs de pierres sèches qui retiennent la terre. On  les appelle banquettes, restanque ou faysse. Ils sont montés sans mortier, uniquement en ajustant chaque élément à l’ensemble.

Mur de pierres sèches parfaitement ajustées

Théo nous confie aussi les difficultés à travailler cette terre qui parfois se montre rebelle. Les banquettes peuvent s’écrouler sous le poids des machines agricoles. Théo l’a vécu le jour où son tracteur s’est renversé en plein traitement. Heureusement, le destin avait mis en panne l’engin non protégé prévu pour le travail du jour. Il avait rééquipé un tracteur cabine. Celle-ci lui a sauvé la vie lors du renversement. La mort ne le voulait pas ce jour là.

Pour sortir vainqueur du corps à corps quotidien avec un environnement exigeant, les vignerons du Trias sont restés solidaires. Ici les hommes échangent des services, pratiquent l’entraide du sol en cas de coup du sort. Lorsqu’un viticulteur est brutalement décédé à la veille de vendanges, ses voisins se sont donnés le mot. Ils ont ramassé le raisin pour sa veuve. La force de la communauté prend toute sa valeur au moment de la vinification. Comme, nombres de ses collègues, Théo a choisi d’apporter son muscat à la coopérative locale. Il laisse à Thierry Sansot, œnologue, le soin de veiller les jus et de choisir le moment opportun pour procéder au mutage. Cet arrêt de la fermentation par ajout d’alcool vinique à 95% caractérise les vins doux naturels (naturel pour sans sucre ajouté, sans chaptalisation). A l’issu du processus de vinification, la terre rendra au vigneron un divin nectar. Le vin à la belle robe dorée présente un taux de sucre résiduel d’au moins 110 gr/litre. Son nez de fleurs blanches et de pêche-abricot en fait la star des desserts à base de fruits. Il se sert aussi à l’apéritif avec un foie gras et plus inattendu en compagnon d’un fromage bleu à pâte onctueuse. La balade se termine. il est temps de passer à la dégustation. Notre dernière halte sera pour la cave de la coopérative Rhonéa. Nous testons les VDN Beaumes de Venise mais aussi les vins rouges issus d’un assemblage à majorité de grenache et de syrah très caractéristique des Côtes du Rhône. 

Que faire en une journée à Monaco ?

Longtemps ma culture Monaco s’est limitée aux pages de Gala avec la vie de château de famille princière, les voitures de  luxe et l’immobilier de prestige.

Peu attirée par cet univers de strass et de paillettes, je me contentais de ces lectures de plages. En février, la vie, pleine de facétie, m’a conduit sur le rocher pour le SIAM, le salon international automobile de Monaco tout entier dédié aux déplacements durables et aux véhicules électriques. Entre deux présentations de notre Stigo, le escooter électrique, j’ai découvert un autre visage de la principauté.

Hors saison, au tout début du printemps, le cœur historique de la cité ne manque pas de charme. Le quartier de la Condamine, proche du port, a gardé ses superbes villas aux façades couleurs pastels, ses rues en pente bordées d’orangers, ses squares amoureusement entretenus et ses commerces aux devantures rétro, très années soixante dix. Les températures déjà très douces incitent à la flânerie dans ce quartier aux airs d’Italie. Ici, Monaco reste un village de 6000 habitants où tout le monde se connaît, où le policier appelle le chauffeur de bus par son prénom.

Je partage ici mon itinéraire à la découverte d’une ville étonnante. Nous démarrons au sud-ouest de la ville, nous rejoignons Monte-Carlo au nord-est en bus et revenons tranquillement à pied à notre point de départ.

On commence par poser la voiture dans un parking au port du Cap d’Ail, on prend le temps d’un café quai des Princes pour une prise de contact en douceur avec la réalité monégasque. Dans le port les yachts côtoient les pointus des derniers pêcheurs. Mini embarcations et bateaux de milliardaires sont amarrés au même quai. On démarre la balade par le quartier de l’héliport. Les fanas regarderont décoller les belles machines, les autres s’attarderont dans les jardins de la roseraie.

De là, on gagne la station de bus Héliport situé à l’entrée du tunnel. Le bus numéro 6  traverse la principauté et va nous emmener à Monte-Carlo (direction Larvotto). Arrêt au Grimaldi Forum. Nous retournons en arrière en direction de Monaco en longeant le front de mer. Première halte dans le jardin Japonais. Rien ne manque, petit pont, terrasse en bois, bassins à carpes et végétation asiatique.

On quitte l’îlot de zénitude pour longer le front de mer. L’endroit ne présente pas d’intérêt sinon celui de montrer les fâcheuses constructions des années soixante, immenses barres d’immeubles sans style ni cachet. En remontant sur la droite, on découvre le casino et ses boutiques de luxe. Le quartier en pleine reconstruction montre le visage moderne de la cité partagée entre des bâtiments anciens remarquables, des espaces verts magnifiques et l’activité soutenue du secteur de la construction. Les grues géantes occupent l’espace ; les bruits métalliques, les marteaux piqueurs résonnent toute la journée.

Construction nouvelle ou réhabilitation, le secteur immobilier toujours en plein essor à Monaco.

Une marche de dix minutes nous ramène à l’entrée du port où sont amarrés quelques palaces flottants. Le temps de photos souvenirs et tu arrives au meilleur de Monaco, l’adorable quartier de la Condamine. Façades rose, jaune ou ocre, balcons en fer forgé ouvragé, orangers garni de beaux fruits colorés, immeubles parfaitement conservés et entretenus, c’est un ravissement pour les yeux.

Le matin la Place d’Armes accueille un marché de produits frais. On y rencontre les chefs particuliers des riches monégasques. Ce sont eux qui achètent en février les asperges du Pérou à 38€ le kilo et les framboises en toutes saisons. J’y ai découvert peu de producteurs locaux mais des commerçants sympathiques et tout à fait disponibles pour parler des spécialités locales. Nous étions en pleine saison de l’artichaut épine, une variété originaire de Sardaigne qui se consomme crue assaisonnée d’huile d’olive et accompagnée de copeaux de parmesan. 111 qui en prépare des dizaines pour ses habitués m’a donné quelques feuilles à croquer. Un délice. A l’intérieur une halle gourmande abrite une quinzaine de stands qui proposent pasta, pizza et cuisine aux truffes. On commande et on s’installe où l’on peut sur les tables situées au centre et sur les côtés du bâtiment.

Ne quitte pas le quartier de la Condamine sans un détour par la cave des Grands Chais Monégasques. Rue Baron de Sainte-Suzanne la plus vieille cave de Monaco pourrait se visiter comme un musée. Les lieux ont gardé les marques d’un passé où l’on stockait le vin importé d’Afrique du Nord ou d’Italie. Le magasin est divisé en espaces dédiés comme celui de la cave aux Bordeaux de prestige, l’étage pour la dégustation des spiritueux, la plus importante collection de whisky de la côte d’Azur ou la cave fermée des précieux Champagnes et rares Bourgognes. A défaut de pouvoir t’offrir un de ces précieux flacons, tu pourras te consoler par l’achat d’un rosé de Provence qui trouve ici une superbe vitrine.

L’après-midi, on monte sur le fameux Rocher par la rampe Major. Arrêt photos dans le virage pour la chouette vue sur le port. En haut, petite déception, la Place du Palais, les extérieurs du château surprennent par leurs côtés Disney. Seuls les enfants adorent en raison du garde,  incroyable Playmobil, véritable métronome animé, qui va et vient au pas toute la journée devant la porte centrale. La cathédrale de style roman-byzantin, mode du XIX siècle, ne présente pas d’intérêt. Ceux qui aiment la faune marine et ne sont pas claustrophobes comme moi visiteront l’aquarium.

Retour sur nos pas et descente vers Fontvieille pour un dîner sur le port. J’ai retenu deux adresses appartenant au même groupe de restauration. Le Moshi Moshi, ambiance intimiste, décor subtilement oriental et chef japonaise qui réalise devant les convives et à la demande de magnifiques et originaux makis. Le Beefbar, l’endroit tendance où le bœuf s’expose en vitrine comme un diamant en bijouterie. L’amateur de viande rouge peut se faire plaisir, découvrir le bœuf de Kobe, d’Argentine, d’Australie ou d’Amérique. Budget à la hauteur du cadre et de l’offre produit. Vient le temps de rejoindre la voiture déposée au port du Cap d’ail. Depuis le quai, la vue de nuit avec les bateaux éclairés te permettra de nourrir ton compte insta.

Un déjeuner au restaurant du Pavillon des Boulevards

Adresse intimiste cachée derrière une façade classique de maison Bordelaise, ce pavillon nous transporte dans l’univers feutré du Bordeaux bourgeois. L’endroit cultive la discrétion et le confort d’une maison de famille : cheminée de marbre blanc, parquet de chêne, nappe immaculée, vaisselle luxueuse. On peut s’installer dans la lumineuse salle à manger ouverte sur un jardin de ville ou réserver pour une grande table la salle du fond. Les personnalités Bordelaises préfèrent privatiser l’étage pour savourer la cuisine du chef en toute liberté.

Ce parti pris de la discrétion a même réussi à faire oublier qu’une nouvelle équipe a pris les commandes du restaurant en 2015. Le chef Denis Franc a cédé son affaire à deux de ses collaborateurs. Longtemps second de cuisine Thomas Morel s’est associé avec le sommelier Thibaut Berton pour continuer la belle histoire du Pavillon des Boulevards.

Thibaut Berton et Thomas Morel découvrent le palmarès Michelin 2017: L’étoile est là. Moment de Bonheur inouï.

L’étoile brille encore sur Pavillon des Boulevards. Belle victoire d’équipe.

Le restaurant a su garder la confiance de la clientèle bordelaise et du Michelin depuis plus de vingt ans. L’étoile tombe avec une belle régularité. En cuisine pour la sortie du Michelin 2017, j’ai pu vivre le stress, l’attente et au final l’explosion de joie de toute l’équipe. Conduire l’unique une étoile de Bordeaux demande du travail, de la rigueur, de la précision et de la créativité. Le chef s’investit énormément au quotidien. Présent à chaque service, au fourneau, au passe, il fait le job.

Le convive, lui, ne perçoit pas cette formidable tension, confortablement installé dans la salle à manger. Déjeuner au Pavillon des Boulevards permet de faire une pause hors du temps, à l’abri des bruits de la ville. Chaque jour le chef propose une formule pause déjeuner à 35€. Ce menu comprend quatre plats, une entrée, un poisson, une viande et un dessert sans oublier une jolie mise en bouche et quelques friandises avec le café. C’est une bonne découverte de la cuisine de Thibaut Morel bien installée sur des bases classiques et subtilement modernisée par les bouillons et les épices. Chaque plat se savoure comme un bon vin. On s’attache d’abord au visuel puis au nez avant de passer à la dégustation. Les présentations soignées, les parfums délicats qui accompagnent les plats participent au plaisir du moment.

Les images parlent mieux que moi. Je te laisse les découvrir. J’insiste simplement sur la finesse de la cuisine de Thomas Morel. J’adore sa lotte en bouillon corsé, un plat aromatique et délicat parfaitement adapté à nos envies de légèreté.

Cocktail pomme d’amour

Thon Snacké, Crémeux de patates douces et carottes rôties.

Lotte au bacon et son bouillon de légumes corsé

Inspiration Pina-Colada

Je n’oublie pas les vins portés par Thibaut Berton, un passionné formé chez Grégory Coutanceau à la Rochelle. Sommelier, mélomane, il aime jouer sa propre musique et il le fait bien. Alors le mieux serait de lui donner carte blanche à la découverte de nouveaux vins.

Bourgogne blanc aromatique, tonique et sur la fraîcheur

 

Un Corbières au nez intense, aux tanins présents mais fondus. Vigne en biodynamie

Naturellement le Pavillon des Boulevards se décline en plusieurs menus dont un gastronomique. Une soirée en duo, un diner en famille, les occasions ne manquent pas pour tester. Enjoy !

 

Le Pavillon des Boulevards

  • Tel : 05 56 91 51 02
  • 120 rue Croix de Seguey, 33000 Bordeaux
  • Le midi du mardi au vendredi
  • Le soir du lundi au samedi

Restaurant Madame Pang, voyage dans le Hong Kong des années soixante

Ils ont conquis Bordeaux avec leur premier restaurant, Dan cuisine d’influence. Harmony et Jérôme Billot continuent l’aventure culinaire avec Madame Pang, une adresse à vivre à l’esthétique ultra léchée. Après un an de recherche, le couple franco-hongkongais nous dévoile son idée de la restauration contemporaine : une décoration raffinée sous influence asiatique et une cuisine portions à partager. Madame Pang offre la décontraction d’un bar à vin, la convivialité d’une cuisine façon tapas et l’exotisme de la cuisine asiatique dans un décor façon lounge d’hôtel, intimiste et luxueux.

Dès l’entrée et sa terrasse d’accueil en extérieur, tu tombes sous le charme des lieux, une succession de trois pièces en enfilade avec le Bar en point central et la cuisine ouverte en final. Harmony et Jérôme ont travaillé avec Vincent Ratajczyk pour mettre en scène leur projet, l’envie d’un lieu à faire voyager et rêver. La décoration prend le contrepied de la tendance chêne brut et murs de pierres blondes. L’architecte s’est inspiré du Hong Kong des années soixante, de l’atmosphère sensuelle et mystérieuse du long métrage In the Mood for Love, le chef d’œuvre de Wong Kar Vai. La tapisserie à motif de paysage exotique fait écho aux sublimes robes de Maggie Cheung, les luminaires art déco rappellent les éclairages si particuliers du film, subtils mélanges d’ombres et de lumières chaudes. Les murs peints couleur argile, le mobilier fait sur mesure, chaque détail a été étudié en absolue cohérence avec le projet final.

Harmony Billot, sublime héroïne du remake d’In the Mood For Love

L’ensemble invite à la détente et au plaisir de la dégustation. Une fois installée à l’une des tables basses, tu commandes un assortiment de bouchées délicates et d’assiettes parfumées : raviolis vapeurs, tempura de légumes, travers de porc et autres spécialités à partager. Vous l’accompagnez d’un cocktail ou d’une bouteille de vin. Ici la sommelière Syrielle Palacios te propose un choix de bières asiatiques, de vins de France et d’ailleurs sans oublier la belle collection de saké et spiritueux. Côté budget, tu vas adorer. La formule reste très souple, pas de menu mais des propositions d’Encas, de petites assiettes et de Dim Sum classiques au prix compris entre 6 et 8€ la portion. Tu peux juste grignoter au bar, boire un verre ou faire un vrai diner complet, les douceurs ne sont pas oubliées. L’idée c’est de partager, de vivre un moment d’évasion en amoureux ou entre amis. Il est préférable de réserver, l’adresse ouverte il y a huit jours fait déjà le buzz auprès des amateurs de world cuisine.

Harmony Billot et Syrielle Palacios

Jérôme Billot au piano

 

 

Madame Pang

  • 05 56 38 47 13
  • 16 rue de la Devise, proche de la place de la Bourse
  • du mardi au samedi de 17h à 2h du matin