Les Bordeaux blancs des grands rouges : micro-cuvées et excellence.

Si le Médoc, Saint Emilion et Bordeaux vous parlent en rouge, il ne faut pas oublier ses autres facettes. Le vignoble, aujourd’hui à majorité planté en Cabernet et Merlot, était réputé autrefois pour ses cépages blancs. Délaissé par certaines appellations (à l’exception des Pessac-Léognan, des graves et des liquoreux), le blanc revient sous forme de petites productions dans les grands domaines. Ces micro-cuvées bénéficient des meilleurs soins. On aime leur élégance et leur aptitude à sublimer la cuisine contemporaine plus végétale et moins carnée.

Le Blanc, domaine d’expérimentation

Les bonnes pratiques, l’agriculture biologique s’installent dans nos vignes. En Bordelais, la conversion est souvent freinée par la taille des domaines. Quand on travaille sur 60 hectares, les enjeux financiers et techniques sont colossaux. Le passage en bio signifie d’abord une perte de rendement, des besoins supplémentaires en main d’ oeuvre avec l’augmentation des travaux à la vigne et donc un surcoût. Et surtout, il y a l’apprentissage de nouvelles techniques, de nouveaux réflexes. C’est un long chemin qui se fait souvent par étapes.

Ici l’exemple Château Palmer : http://lemeilleurdebordeaux.fr/__trashed-4/

Certaines propriétés, comme Fourcas Hosten ont fait du Blanc, leur terrain d’expérimentation. En 2012, On y plante 2 hectares en blanc en s’appuyant sur les résultats d’une cartographie du sol réalisée en 2010. Il y aura quatre parcelles : « Renaud » et « Laurent » en Sauvignon blanc, une « Nicolas » en Sauvignon gris et une seconde « Nicolas » en Sémillon. Chacune de ces parcelles a 1 à 3 porte-greffes différents en adéquation avec le sol (profondeur, nature, vigueur…) et le cépage. L’ensemble est cultivé en agriculture biologique dès l’origine. Ce sera un projet fédérateur pour l’équipe rassemblée autour de sa directrice technique Caroline Arthaud. Ces deux hectares permettent de tester des nouveaux process, de se familiariser avec la culture en bio, de changer de référentiel sans brutalité. La réussite du projet a permis d’étendre la conversion à tout le domaine.

Culture et vinification haute couture

Les petites cuvées bénéficient de soins tout particuliers. Vendanges manuelles, élevages en fut de chêne, bâtonnage quotidien (action d’agiter le vin avec une baguette pour mettre en suspension les lies), rien n’est trop beau pour ces précieuses. Les équipes techniques cherchent, innovent pour produire le meilleur.

Dans les châteaux, on chérit aussi le blanc pour sa place dans le calendrier. Les cépages blancs arrivent à maturité en premier, entre fin août et début septembre. Ils donnent le top départ des vendanges et du millésime.

Grands Blanc de Bordeaux, la short list de Sophie Juby

Fan de vin blanc, j’aime associer ceux de Bordeaux à ma cuisine. Les plats végétariens et les poissons du bassin d’Arcachon affectionnent les Bordeaux. Pour un repas de fête, pour vos repas entre amis, voici mes Blancs paillettes.

Château de la Dauphine : La Dauphine blanc 2019

En 2016, le Château de la Dauphine, domaine du Libournais en AOP Fronsac, s’agrandit de 16 hectares par rachat de vignes. Les nouvelles parcelles font l’objet d’une analyse de sol qui révèle un potentiel pour du blanc sur 1 hectare de plateau calcaire. C’est l’occasion de répondre au souhait du propriétaire d’avoir une gamme complète. En conjuguant Le Château de la Dauphine sur les trois couleurs de rouge, rosé et blanc, le domaine entend satisfaire une clientèle internationale.

Le Blanc de la Dauphine bénéficie des mêmes pratiques, du même mode de culture en biodynamie que le rouge. Choyé à la vigne, il est aussi très entouré par les commerciaux. Le flacon, l’étiquette témoignent de choix stratégiques porteurs de sens. On sort de l’univers du Bordeaux classique pour aller vers les Bourgognes, la référence en matière de blanc. Côté vinification, on est parti sur un partage entre la cuve inox et la barrique de chêne pour moitié. Le passage à l’amphore est à l’étude pour ce jeune vin qui trace sa route vers l’excellence.

A la dégustation, le vin porte la signature La Dauphine, fraîcheur et délicatesse. Parfait pour un apéritif en été. Il serait aussi très à l’aise sur nos tables de fêtes. Malheureusement, ce petit dauphin (500 bouteilles) est déjà épuisé. Nous devrons patienter jusqu’au mois d’avril prochain pour le 2020. Un Blanc de la Dauphine pour accompagner notre agneau de Pâques, j’aime assez l’idée.

La Dauphine Blanc 2019,

75 % Sauvignon – 25 % Sémillon – Vendanges manuelles, pressurage pneumatique, élevage 1/2 cuves inox et 1/2 en barrique de chêne. Prix 25€ la bouteille.

Château de la Dauphine vous accueille 7/7 en 2020

Château de la Dauphine, AOP Fronsac

📪 : Rue Poitevine, 33 126 Fronsac.

🏰 ☎️ 🏰 : visite sur RDV – 05 57 74 06 61

🍷🍇 🍷 53 hectares de vigne. 50 hectares pour le rouge, 2 ha en rosé et 0,8 en blanc.

🍇 👩🏻‍🌾 🌿 certifié AB en 2015


Château Fourcas Hosten, le Blanc 2019

Le 2019 est le sixième millésime en Blanc chez Fourcas Hosten. Le vin a trouvé son équilibre. Raffiné, subtil mais avec une belle personnalité, le 2019 nous séduit par sa longueur en bouche. et pour avoir eu la chance de déguster les millésimes antérieurs, je dirai que ce Bordeaux a suffisamment de caractère pour bien vieillir.

Château Fourcas Hosten, AOC Listrac Médoc

📪 : 5 rue Odile Redon, 33480 Listrac Médoc

🏰 ☎️ 🏰 : visite sur RDV – 05 56 58 01 15

🍷🍇 🍷 5O hectares de vigne. 40 hectares en production pour le rouge, 2,2 ha en blanc.

🍇 👩🏻‍🌾 🌿 certifié AB en 2020 pour le blanc, 2021 pour le rouge


Le Blanc de Palmer, une cuvée secrète

Emblématique figure de Margaux, le Château Palmer s’est lancé dans une production confidentielle de Blanc. La découverte en cave de deux bouteilles datées de 1925 a donné l’envie de renouer avec une tradition du Médoc. Dans le passé, les domaines travaillaient souvent une parcelle en Blanc pour leur consommation personnelle.

Quand Thomas Duroux se transforme en Scherlock Holmes de l’ampélographie.

Thomas Duroux, directeur de Château Palmer, est aussi féru d’ampélographie la science des cépages et de la vigne. Dès l’origine du projet Blanc, Il met sa passion au service de Château Palmer. Il va se lancer dans une enquête à la Scherlock Holmes pour construire un encépagement unique inscrit dans son terroir et dans l’histoire. Ses recherches le conduisent à planter, dans les années 2 000, trois variétés :

  • La Muscadelle. Un cépage blanc historiquement présent dans le Bordelais. Celui de Palmer vient d’une sélection massale effectuée sur de vieilles parcelles du Domaine Plageoles à Gaillac. Ce cépage aromatique va apporter ses parfums, ses notes florales.
  • Le Lauzet. L’idée en revient à Pierre Galet, célèbre universitaire et référence absolue en ampélographie. Le Lauzet donne de la structure, de l’acidité. L’équipe de Château Palmer est allé en Jurançon retrouver ce cépage oublié.
  • Le Sauvignon gris. Un cépage ancien, moins productif mais plus aromatique que le Sauvignon Blanc avec des parfums d’exotisme. C’est la note épicée du Palmer Blanc.

Les premières bouteilles sortent en 2007. Elles ne sont pas ou peu commercialisées. Depuis, la production reste modeste, environ 2 000 bouteilles/an. On les trouve à la table des propriétaires du Grand Cru, des clients de Palmer et dans quelques adresses de prestige. Le Vin Blanc de Palmer a très naturellement trouvé sa place à la Maison Bras. Il existe des connections fortes entre le grand Margaux et Sébastien Bras.

J’imagine aisément l’accord parfait entre le Gargouillou de la Maison Bras, l’archétype de la cuisine végétale d’excellence et le Vin Blanc de Palmer.

Le Vin Blanc de Palmer, un authentique Bordeaux

Si le Vin Blanc de Palmer ne porte pas les couleurs de Bordeaux, il en a pourtant les origines (des cépages locaux) et une caractéristique forte, c’est un vin d’assemblage. Il se compose d’une majorité de Muscadelle, de 35% de Lauzet et le reste en Sauvignon gris.

Une Vinification à la Bourguignonne.

Dans les vignes, Le Blanc bénéficie des meilleurs soins, de préparations biodynamiques et d’une culture selon le calendrier lunaire. Mais jusqu’ici, rien de différent de son illustre grand frère rouge.

Au chai, il sera traité avec d’infinies précautions. La vinification s’inspire des méthodes Bourguignonnes. La vendange faite manuellement est stockée une journée en chambre froide pour descendre à la température de 5°C. La pressurisation se fait sélective. Seuls les premiers jus, les premières presses, les plus claires, seront conservés. La vinification et l’élevage se font en foudre de 1200 litres, d’un bois ancien pour qu’il ne marque pas. Peu interventionnistes, Thomas Duroux et sa directrice technique Sabrina Pernet cherchent la précision et la minéralité. Ils utilisent peu de sulfites, en début de cycle pour protéger la vendange contre les bactéries et éviter une fermentation malo lactique, puis à la mise toujours à faible dose.

Au final, on obtient un très grand vin dont le potentiel de garde semble tutoyer celui des Bourgognes.

J’ai eu la chance de goûter cette merveille de délicatesse. J’ai le souvenir d’une table de fête, de jolie vaisselle et de plats exquis. Il a le goût du bonheur, difficile de le décrire.

Thomas Duroux en parle mieux que moi. Le Vin Blanc de Palmer, selon lui, c’est :

Un vin d’équilibre, fin, frais et qui a de la profondeur.

Un vin aromatique sur des palettes subtiles, des arômes de fruits blancs, de pêche, de poire.

Un vin vivant. Il peut s’endormir au bout de trois, quatre ans puis retrouver une nouvelle personnalité et des notes épicées.

Thomas Duroux,

Château Palmer, Troisième Grand Cru Classé 1855.

📪 : 33 460 Margaux.

🏰 ☎️ 🏰 : visite privée uniquement – 05 57 88 72 72

🍷🍇 🍷 66 hectares de vigne. 50 hectares pour le rouge, 1 ha blanc.

🍇 👩🏻‍🌾 🌿 certifié Demeter en 2018. Agriculture Bio et bio dynamique

La Remontada des Bordeaux

Les Bordeaux font leur Remontada. L’expression n’est pas de moi mais d’un chroniqueur de François Régis Baudry dans « On va déguster« . C’était en septembre lors d’une émission sur les Bordeaux. On y parlait de nouvelles pratiques et de pépites. Quel bonheur d’entendre des journalistes positiver le Bordeaux. Nos vins ont changé depuis depuis l’ère de l’agro-chimie des années 80. A Paris, on l’a compris et on a envie de les redécouvrir. Les Blancs méritent une place à notre table, à côté des Champagnes, des Chablis et autres Bourgognes. C’est bientôt Noël. On va se régaler d’une cuisine de fête. Elle fait la part belle aux volailles dodues, aux salines huîtres du Bassin d’Arcachon, aux belles Marennes. Je vous recommande un joli Bordeaux Blanc pour les accompagner.

Bio depuis 1610,Château le Puy publie son manifeste.

Chaque année Jean-Pierre Amoreau réunit la famille le Puy pour un dîner d’entreprise. En 2019, l’évènement a pris une tournure plus festive avec un diner de gala au restaurant le Quatrième Mur. En plus de Noël, nous étions réuni pour saluer la sortie du livre de Jean-Pierre Amoreau : Plus pur que de l’eau, aux éditions Fayard. Conviée à la fête, j’ai eu la chance de partager un repas gastronomique signé Philippe Etchebest et de mieux découvrir les vins d’un domaine d’exception.

Château le Puy, bio depuis 1610

A Bordeaux, nous produisons des vins merveilleux. Le territoire est riche de vignerons engagés qui font des vins identitaires loin des modes et de feu Parker. Ici on ne parle pas de conversion en bio. Le domaine n’a jamais connu la chimie lourde. Jean-Pierre Amoreau travaille en biodynamie, utilise le cheval dans les vignes et élève ses vins en foudre, jamais en bois neuf. Ses cuvées ont l’élégance naturelle d’un assemblage à majorité de Merlot.

Harold Langlais, Pascal Amoreau et Jean-Pierre Amoreau, l’équipe dirigeante de Château le Puy

En 2018, je visitais la propriété situé à 15km de Saint Emilion. A l’époque j’écrivais ceci : http://lemeilleurdebordeaux.fr/chateau-le-puy-le-vin-des-dieux-bordeaux-cotes-de-francs/

Depuis La famille Amoreau a continué sa démarche vers un vin toujours plus singulier, un vin de terroir et de vigneron. Dans cet optique, Château le Puy devient le Puy et abandonne l’appellation Côtes de Franc en octobre 2019. Cela se traduit par une nouvelle étiquette. La mention Bordeaux n’apparait plus. Seul le blason de la ville rappelle l’origine du vin. Le Puy se vendra désormais sur sa seule histoire résumée au dos de la bouteille sur la contre-étiquette. Jean-Pierre Amoreau prend un risque mais le story telling est joli.

Le Puy, un joli story telling :

  • Un terroir unique le coteau des merveilles, suite du plateau calcaire de Saint Emilion.
  • Un site remarquable depuis de l’âge du Bronze. Le domaine possède un Cromlech
  • un écosystème de 100 hectares dont 50 hectares de vignes
  • une vigne cultivée en biodynamie sans pesticides ni engrais chimiques de synthèse.
  • vendanges manuelles, vinification naturelle avec levures indigènes
  • élevage en foudre et barriques expérimentées, ni collage, ni filtration. Ni sulfites ajoutés.
  • Une star en Asie, distingué par la saga des Gouttes de Dieu en 2010. Le célèbre manga japonais fait de la cuvée 2003 le meilleur vin au monde. Le marché s’emballe, le prix s’affolent. Jean-Pierre Amoreau doit sortir le vin de la vente pour stopper la spéculation. Depuis la cote de Château le Puy en Asie ne faiblit pas.

Le chef Etchebest au top pour Jean-Pierre Amoreau

Entre le chef et le vigneron, il y a une grande complicité. On imagine une belle rencontre entre deux fortes personnalités, deux passionnés. Pour le Diner de le Puy, le chef et son chef de cuisine Stephen Mazoyer ont travaillé les produits de Noël : champignons, Saint Jacques et marcassin avec un final chocolat, une forêt noire revisitée.

Ce soir là, nous avons dégusté:

  • Château le Puy « Rose-Marie » 2018, un rosé de saignée. Magnifique robe bien typée clairet, faible sucrosité. Un vin joyeux pour commencer la fête.
  • Château le Puy Emilien 1990. La cuvée « classique » du château.
  • Château le Puy Emilien 1970, un vieux millésime, délicat comme un vieux Bourgogne.
  • Château le Puy Barthélémy 2006, une cuvée parcellaire sur les meilleures terres du domaine. Le 2006, un très joli millésime à son apogée.
  • Château le Puy Retour des îles, 2016. Une cuvée expérimentale vieillie en mer. des parfums d’épices, une bouche velours.
Le Puy, les trois cuvées Emilien, Barthélémy et Retour des îles

Vous n’étiez pas de la fête, j’ai quelques scrupules à vous montrer les photos. Ni voyez aucune vantardise mais un long remerciement à Jean-pierre Amoreau et son épouse Françoise. Félicitations aussi au chef Philippe Etchebest, au chef de cuisine Stephen Mazoyer et à toute l’équipe du Quatrième Mur. Ce soir là, les cuisines avaient basculé du mode brasserie chic à la gastronomie. Ce fut un diner exquis, un premier Noël pour nous tous, les invités de le Puy.

Saint Jacques de plongée, Caviar de Neuvic et Le Puy cuvée Emilien 1970.
Produits d’excellence, délicates saveurs iodées et vin sublime
bonheur absolu
Le chef de cuisine Stephen Mazoyer et la brigade du Quatrième Mur

Château Vieux Mougnac, un Bordeaux bio depuis toujours.

En début  d’été, la vigne est pleine d’énergie, toute occupée à grandir . C’est le moment idéal pour aller à la rencontre de ceux qui font le vin. J’étais début juin au Château Vieux Mougnac pour un déjeuner gastronomique entre Stockhölm et Bordeaux, j’en ai rapporté de belles images. Je vous les montre ci-après et j’en profite pour vous parler d’un Bordeaux Bio que j’ai en cave depuis plusieurs années.

Je me souviens encore de ma première rencontre avec Sylvie Milhard-Bessard . Elle participait à un marché bio organisé par l’Iboat à Bordeaux. Elle était la seule viticultrice. Nous avons tout de suite sympathisé. Il faut dire que Sylvie a la passion Vieux Mougnac. Elle parle à merveille de sa propriété familiale et de ses vins. Son domaine avait tout pour m’interpeller. Le Château Vieux Mougnac appartient à sa famille depuis 1870. Le domaine n’a jamais connu les traitements chimiques type pesticide ou engrais de synthèse. Le père de Sylvie refusait d’utiliser des produits dont les emballages étaient tatoués d’une tête de mort.

On peut dire que Château Vieux Mougnac est un vin bio depuis toujours (certification en 2012). On y suit même nombre des principes de la biodynamie, calendrier lunaire et tisanes de plantes pour fortifier et soigner.

Je suis donc allée un mercredi de juin à Petit Palais et Cornemps au Nord Est de Saint Emilion, en bordure de l’appellation Lussac-Saint Emilion. J’ai suivi l’autoroute de Lyon jusqu’à la sortie Coutras pour huit kilomètres de routes départementales. La balade entre sous bois et vignes était magnifique, la campagne légèrement vallonnée, une merveille.

Déjeuner dans les vignes au Château Vieux Mougnac

L’idée du déjeuner, c’était un mariage entre la cuisine nature du Chef du restaurant étoilé Agrikultur à Stockhölm et les différents vins de la propriété. L’initiative en revenait à Viktor  Djurdjevic, le dynamique importateur Suédois de Château Vieux Mougnac.

Nous avons commencé par un message d’accueil au milieu des vignes les plus proches de la chartreuse, puis nous sommes passé dans les chais de vinification. Michel nous a parlé des méthodes culturales et de la vinification. Pour faire simple, dans les dix hectares de vignes, c’est un mélange de tradition et de pratiques biodynamiques. Le cheval y travaille sur les meilleures parcelles pour la cuvée prestige. Dans les chais, on laisse faire. Le vin est élevé en cuve béton avec le moins d’intervention possible. Il y est gardé deux ans. Les bonnes années, on produit une cuvée spéciale qui elle passe un an en fut de chêne neuf.

La mise en bouteille se fait à la  propriété qui dispose de sa propre chaine d’embouteillage. Le vin est vendu en direct quand il est prêt. C’est une des particularités de Château Vieux Mougnac. De plus, le domaine conserve des stocks en millésime ancien. Cela lui permet de fournir les plus beaux restaurants et même la cave de l’Elysée.

La nouvelle cuisine scandinave, cuissons traditionnelles et priorité au végétal

Les tables étaient mises sur la pelouse, face au château et aux vignes. Installés sous l’ombre des grands arbres, nous profitions de la vue sur le vignoble ou Ursule, la mascotte du jour, travaillait sous nos yeux. Le cheval, pour les biodynamistes, ce n’est pas du folklore. Son poids bien inférieur à celui du tracteur permet de garder des sols vivants. Il ne marche jamais au même endroit, la terre n’est pas tassée, les micro-organismes, les racines superficielles ne souffrent pas de son passage.

Le chef Pelle Thunström du restaurant étoilé Agrikultur à Stockholm

Dès l’amuse bouche, nous comprîmes que ce déjeuner serait une expérience unique, une initiation à la jeune cuisine scandinave. Ce fut d’abord un bouillon de céleri frais et de fenouil, un mélange doux et herbacés. Nous avons continué par des plats aux saveurs originales, un exotisme nordique. Le chef, Pelle Thunström, privilégie les cuissons traditionnelles. Les plats étaient fumés au barbecue, cuits au four à bois du château, assaisonnés de plantes sauvages et de fleurs. En Suède, il se fournit en produits de la chasse, de la pêche. Il utilise les plantes sauvages, les baies. Ici il a construit son menu à partir de produits locaux de belle provenance, porc noir Gascon, foie gras du Périgord, caviar Prunier et esturgeon de Dordogne et naturellement les vins de Château Mougnac.

Les vins bio de Château Vieux Mougnac

Nous sommes partis d’un Château Mougnac blanc sec 2016, vif et frais.  Nous avons continué avec deux millésimes anciens en rouge un 1995 et un 1998 à la belle maturité, aux tanins fondus, un heureux mariage en cette journée d’été. Nous avons terminé avec un moelleux, un sémillon ramassé en tout début de botrytisation. Cette gourmandise, me laissera un merveilleux souvenir. Le vin à la robe d’or ne manque pas de fraîcheur, j’ai adoré. 

Merci à la Laetitia, Sylvie et Michel Bessard.

Bravo au Chef Pelle pour cet incroyable aventure culinaire.

Château Vieux Mougnac

36 route de Mougnac – 33570 Petit Palais et Cornemps.

Visite Sur RDV (0)5 57 69 72 85

10 hectares de vignes dont 1 en Blanc

Encépagement : 70% Merlot et 30% Cabernet Franc en rouge. Blanc en Sémillon

Conduite de la vigne en bio

Vendanges manuelles

Les vins Bio de Bordeaux, les Primeurs 2018

Chaque année, au printemps, les vins de Bordeaux sont présentés en avant première au marché, ce sont les primeurs.  Acheteurs, journalistes et critiques du monde entier sont invités dans les domaines pour goûter et acheter le nouveau millésime. Depuis ce lundi, c’est parti pour le 2018. Bordeaux a lancé sa campagne de commercialisation des vins en primeur.

Les vignerons Bio de Nouvelle Aquitaine étaient ce lundi 1er avril au CAPC. L’entrepôt Lainé retrouvait pour un soir sa vocation d’espace de stockage. Il s’est transformé en cathédrale pour les vins bio. 

le Musée d’Art Moderne de Bordeaux ouvert en nocturne pour une présentation du Millésime 2018 des vins Bio d’Aquitaine

Hier, j’ai rencontré des viticulteurs heureux. Le Bio se porte merveilleusement bien.

Marché du vin bio. Extrait du DP de Millésime Bio

Le marché est très demandeur. Bien sur il y a des des soucis à la vigne. Entre le gel de 2017 et les attaques de Mildiou de 2018, les bordelais ont souffert. Mais le nouveau Millésime s’annonce très joli. L’été indien a su faire oublier le printemps très arrosé. Ramassés à temps, les blancs ont gardé une belle acidité. Les rouges seront parfait dans un an.

Voici en image ma courte sélection de Bordeaux bio, mes coups de coeur parmi les vins que j’ai dégusté (la liste n’est pas fermée, je n’ai malheureusement pas pu découvrir les 75 domaines présentés). Retour sur la soirée BTOBIO des vignerons bio de Nouvelle Aquitaine

Vignerons Bio Nouvelle Aquitaine, les primeurs 2018 au CAPC

Les primeurs 2018 à Bordeaux sont passés, rendez-vous l’année prochaine en 2020 pour de nouveaux vins bio.

Quel avenir pour les vins de Bordeaux ?

Longtemps les vins de Bordeaux ont compté sur leur seule réputation pour se vendre mais qu’en sera-t’il à l’avenir? L’histoire, la qualité du terroir assuraient une rente aux producteurs. Dans le contexte actuel marqué par une baisse générale de la consommation, l’antériorité de la production ne suffit plus.

Pour info: les chiffres de vente du Bordeaux en 2018 basé sur la présentation d’Alain Sichel, président du CIVB:

https://www.vitisphere.com/actualite-89179-Mauvaise-annee-2018-pour-Bordeaux.htm#utm_source=elettre_filiere

Entre l’arrivée de nouveaux pays de production et la montée en puissance des vins du Sud-Est, le Bordeaux doit se réinventer. Pour séduire le consommateur, il faut écouter le marché et innover.

Dans les années quatre vingt les binômes critique et winemaker tel le duo Parker Michel Roland ont su hisser les Bordeaux au rang de stars. Le marché voulait des vins puissants, des vins de garde structurés et boisés. Les prix se sont emballés, l’image du Bordeaux s’est installée comme celle d’un vin d’exception destiné à l’export. Tout semblait aller bien en terres girondines, la filière profitait de l’engouement pour ses Grands Crus. A côté des clients historiques, anglais, américains et nord-européens, les marchés asiatiques offraient une  infinité de possibles. On  a vendu les Premiers aux très riches et le tout venant aux nouveaux consommateurs tournés vers les prix bas.

Aujourd’hui, la croissance chinoise ralentit, le marché à l’export se complique et le consommateur français boude le Bordeaux. Les ventes sont à la baisse.  Pour se rapprocher du marché, plusieurs voies sont possibles. Deux approches semblent bien fonctionner : le bio et le mono-cépage.

On trouve encore des viticulteurs heureux en Gironde. Certains manquent même de stock. Je parle ici de ceux qui sont en bio. Ils vendent bien (+10% en 2018). Leurs vins répondent à la demande des consommateurs pour une viticulture plus respectueuse de l’environnement. 

Château Piote. Conduite de la vigne en biodynamie, mono cépage et vinification en amphore

L’autre axe de développement pour les Bordeaux, c’est le mono-cépage travaillé en vin plaisir à boire dans l’année. Olivier Dauga, consultant sur Bordeaux, me l’a confirmé. Ses clients sont très contents des résultats de leur cuvée à cépage unique. Pour le consommateur néophyte, pour l’étranger habitué à boire un Chardonnay, un Merlot ou Cabernet-Sauvignon le Bordeaux classique, vin d’assemblage est un mystère. Si on lui propose un Malbec ou un Merlot, il est rassuré. Olivier Dauga conseille de les vinifier sur la fraîcheur, de limiter le taux d’alcool, de ne pas ajouter de bois. Il leur ajoute un packaging moderne. On oublie le mot château, on baptise le vin avec humour et on le vend à prix doux histoire d’attirer une clientèle de jeunes.

Travail sur le gamme et conversion en Bio pour Château Marzin

Etendre sa gamme, travailler le mono cépage, briser les codes du Bordeaux Classique et surtout aller vers le bio, les vins de Bordeaux ont un bel avenir mais beaucoup à faire pour retrouver les faveurs du marché.

Château le Puy, les Gouttes de Dieux.

Pour rejoindre Château le Puy, il faut dépasser Libourne, quitter la nationale 89 et monter le coteau à travers vignes et propriétés viticoles. La famille Amoreau s’est installée en 1610 au point culminant de la région, le coteau des merveilles. Nous sommes en bordure du plateau de Saint Emilion (distant de 15km) sur un sol argilo-calcaire. La vigne y développe un système racinaire le long des failles qui lui permet de puiser l’eau en profondeur en période de sécheresse.

Sur cette terre vouée à faire un vin d’excellence, la famille Amoreau a toujours fait le choix de laisser parler la nature. A une époque où les préoccupations écologiques n’étaient pas encore d’actualité, les propriétaires du lieu ont bâti un écosystème de 100 hectares dont la vigne n’occupe que la moitié. Les Amoreau ont conservé prairies, forêt et étang, lieux de vies animales et végétales. La biodiversité a été préservée pour le plus grand bien des terres environnantes. La vigne qui n’a jamais connu la chimie lourde bénéficie de la richesse des sols. Elle donne un vin bio depuis toujours.

Nous ne commencerons pas la visite par la découverte d’un chai spectaculaire, œuvre monumentale conçue par un architecte de renommée mondiale. Suivant le principe des vignerons selon laquelle le vin se fait à la vigne, nous irons d’abord arpenter le coteau. Une surprise nous attend. A deux pas de la chartreuse, en bout du plateau de Saint Emilion, se trouve un site préhistorique, un cromlech ou cercle de pierres levées. Il semblerait que les anciens aient découvert les bonnes ondes, l’énergie du lieu. En ce matin d’octobre, une belle lumière passe à travers les branches de la forêt toute proche. Nous nous imprégnons de la beauté, de la magie et du mystère de l’endroit. Sans en comprendre la signification, nous devinons une grande force dans ses pierres dressées. On comprend aussi que le domaine se soit tourné vers la biodynamie, un mode de culture bio qui s’appuie sur les énergies terrestres et cosmiques. Cette culture inventée par le philosophe Steiner combine soins homéopathiques et travail selon le calendrier lunaire. Celui-ci donne les jours feuilles, les jours fruits, les jours fleurs et les jours racines. Comme les anciens, on taille en lune montante (la sève des plantes monte vers les branches) et on essaie de traiter la partie aérienne en jour feuille.

Le Cromlech de Château le Puy

Sur le domaine, on n’emploie aucun produit de synthèse, aucune chimie. Pour enrichir les sols, fortifier la vigne, on travaille la terre. Pour prévenir et traiter la maladie, on utilise des plantes en décoction ou infusion préparées selon des recettes mises au point par Steiner.

A titre d’exemple, la Prèle et le Saule Blanc sont des fongicides naturels. (J’ai parlé d’homéopathie car les résultats des traitements végétals sont moins spectaculaires que ceux des produits chimiques. En cas d’attaque massive et durable du mildiou, la vigne souffre et les pertes sont importantes)

Toujours pour répondre aux principes de la biodynamie, le domaine recherche l’autarcie. Il fabrique ses propres engrais avec le fumier d’un mini troupeau de bovins. Des ruches ont été implantées sur le domaine. Et bien sûr les chevaux sont revenus sur la propriété en 2009. Unique, théo, Lola et Spirou participent aux travaux des champs sur les dix-huit hectares les plus accessibles. En biodynamie, on les préfère au tracteur. Moins lourds, ils ne tassent pas les sols et favorisent la vie des micro-organismes et petits animaux sous-terrain.

Travail avec le cheval pour ne pas tasser les sols

La démarche bio se prolonge dans les chais, pas question d’intrant ou de levure externe. Steven, le maître de chai, a pour mission de rester au plus près du terroir, de rester sur le fruit. La vendange est ramassée et triée à la main.  Elle sera égrappée puis mise à fermenter dans de grandes cuves béton. En haut de la cuve, le marc est bloqué par un système de douelle en bois. Le mise en fermentation se fait sans apport de levure mais avec ajout d’un pied de cuve de flore indigène. Lorsque le travail commence,  un tuyau allant au fond de la cuve permet aux premiers gaz de s’échapper. Puis le jus va se mettre à bouillonner, inonder le bassin et venir lui même arroser le chapeau par gravitation. Il ne sera fait aucun pigeage. Au bout de 18 jours, le jus est mis à vieillir dans de grands foudres pour la cuvée Emilien et en barriques expérimentées pour la cuve prestige, la cuvée Barthélemy. Pour celle-ci, les jus sont dynamisés, mis en mouvement par batonnage hebdomadaire, sur 24 mois. Les lies sont remises en suspension, les énergies et les arômes se libèrent. Le mouvement protège de l’oxydation et permet de se passer de souffre. Dans les deux cuvées, il n’y aura n’y filtration, ni collage mais clarification par soutirage. Le jus est séparé mécaniquement de ses lies et dépôts (tous les trois mois). Au repos, les lies se déposent en fond de barrique, elles y restent lors du transvasement.

Vinification traditionnelle en cuve béton. Remontage naturel.

L’ensemble de ces pratiques font des vins de Château le Puy des vins nature dont la réputation a franchi les frontières. L’histoire s’est accélérée avec la présence du domaine dans les Gouttes de Dieu. Ce Manga japonais retrace l’initiation aux très grands crus du fils d’un célèbre œnologue en compétition avec un frère par adoption pour l’héritage du maître brutalement disparu. Au tome numéro 23, Château le Puy entre en scène. Pour la propriété Bordelaise, la starisation est faite. Le millésime 2003, désigné meilleur vin au monde entre dans une bulle spéculative. Jean-Pierre Amoreau doit en stopper la vente pour enrailler la frénésie d’achat.

Depuis, la propriété a gardé une excellente image sur les marchés asiatiques. La Chine est même devenu le premier client. Que l’on se rassure, il est toujours possible d’acheter du vin à la propriété. La France représente encore 30% des ventes. Celles-ci sont gérées en interne sans passer par la place de négoce. La propriété est même ouverte aux particuliers sur rendez-vous. J’ai eu la chance d’y déguster les deux rouges emblématiques de la propriété Emilien 2016 et Barthélémy 2011. Si j’ai aimé Emilien (24,95€ prix à la propriété), j’ai trouvé le 2016 encore jeune. Ma préférence va à la cuvée Barthélémy, le vin des Dieux. Voici mes impressions, mes émotions. J’ai beaucoup aimé ce vin léger et délicat comme un Bourgogne.

Les Gouttes de Dieu

Cuvée Barthélémy 2011

  • 85% Merlot, 15% Cabernet Sauvignon
  • Vin élevé en barrique 24 mois, ni filtré, ni collé
  • vin sans souffre, vin sincère sans excès de boisé.
  • Un joli nez, en bouche finesse et élégance.
  • De la fraîcheur, une belle longueur
  • Prix à la propriété 95€

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Château le Puy, sur ses cuvées confidentielles, son blanc, sa cuvée Retour des Iles (un vin qui vieillit sur voilier au cours d’un voyage de quelques mois). Le domaine mérite qu’on s’y attarde. Je reviendrai certainement à Château le Puy pour le Blog. J’attends avec impatience l’issue de la demande d’appellation Le Puy. Depuis 2011, Jean Pierre Amoreau a fait déposé un dossier auprès de l’INAO pour la création d’une appellation le Puy qui distinguerait une parcelle singulière proche de la Chartreuse. Cette requête aujourd’hui au conseil européen si elle aboutissait, récompenserait un domaine béni des Dieux.

Château Le Puy

  • 33570 Saint-Cibard
  • 05 57 40 61 82

Château la Lagune, le second des Grands Crus classés à obtenir le label Bio

_DSC2424Château La Lagune sera certifié Bio pour la vendange 2016. Cette labellisation, la deuxième pour un grand cru classé, place le domaine dans le sillage de son prestigieux prédécesseur et presque voisin Château Pontet-Canet.

Le domaine, proche de l’estuaire de la Gironde, avait le terroir pour faire un grand vin. Son sol de graves Mindel, presque du sable, lui donnait finesse et singularité. Sa reprise en main par la famille Frey en 1999 lui donne les moyens matériels et humains pour retrouver son glorieux passé. Si la propriété, en vigne depuis le XVIII siècle, entre dans le groupe des troisièmes lors du classement de 1855 ; son prestige sera mis à mal par les maux classiques du Médoc, mauvaises météos, contexte économique défavorable et la double peine des deux guerres mondiales. Il faut attendre les années cinquante pour que le château retrouve son éclat. Il semble aujourd’hui entrer dans une nouvelle ère de prospérité.

En 2004, Jean-Jacques Frey, ancien de l’immobilier commercial, confie la direction du domaine à sa fille Caroline. Œnologue, convaincue des bienfaits de l’agriculture biologique, la jeune femme engage la propriété dans une démarche de culture raisonnée. Avec son équipe et les conseils de Denis Dubourdieu, elle repense tout : la vigne est rehaussée, les méthodes d’exploitation et de vinification sont adaptées à l’abandon des pesticides. Commence alors un long processus, jalonné d’étapes nécessaires à l’abandon progressif des méthodes traditionnelles de culture. Il y a d’abord eu la certification ISO14001 en 2008 et la qualification d’exploitation à Haute Valeur Environnementale (HVE) en 2015. La démarche est globale, elle inclut une protection de la richesse écologique des espaces naturels du domaine et un travail pour favoriser la biodiversité. Les abeilles et les oiseaux sont de retour. Ils participent à l’équilibre naturel, ils aident à la production pour les premières et à la protection de la vigne contre les nuisibles pour les seconds. En 2016, Caroline Frey verra ses efforts largement récompensés par l’obtention de la certification biologique pour la vendange à venir.

De ce formidable travail de reconstruction du domaine, tu ne vois que la partie visible et en premier les superbes bâtiments techniques. En 2004, Château la Lagune se dote d’un nouveau cuvier pourvu des technologies de pointe. Le bâtiment impressionne par son architecture, son esthétique épurée comme un clin d’œil aux magnifiques jardins de graviers, de pelouses et de buis taillés qui plongent immédiatement le visiteur dans un univers proche du jardin japonais._DSC2430_DSC2333 (1) _DSC2350 _DSC2358 (1) _DSC2376

Cet outil permet à Caroline Frey de travailler sa vendange et son vin avec la plus grande rigueur. Un système d’élévateur permet aux raisins d’être acheminés et examinés au niveau supérieur. Trois tris successifs permettent d’écarter les baies vertes ou altérées, les rafles, les petites feuilles et les débris divers. Le raisin légèrement foulé sera encuvé par gravitation dans une des 72 cuves inox thermo-régulées._DSC2360 _DSC2368 _DSC2395 _DSC2401

Une fois la fermentation terminée, les différents cépages sont assemblés et le vin mis en barriques neuves à 50% pour un vieillissement en chai de 16 mois. L’élevage est un temps d’échange où le vin va pouvoir prendre le boisé, les arômes du chêne pour sublimer son terroir d’exception. Si on ajoute beaucoup de recherche, le travail de Maylis de Laborderie, maître de chai et l’aide extérieure du prestigieux œnologue Denis Dubourdieu, on obtient un vin élégant à la hauteur de son prestige passé.

Le vignoble s’est même agrandi. On y produit désormais trois vins : Château la Lagune, le Moulin de la Lagune avec les vignes entourant le château sur 60 hectares. Une nouvelle marque, plus accessible, Mademoiselle L, un haut-médoc, est produite sur les 20 hectares achetés dans le village de Cussac.

Notre visite se terminait par une dégustation du premier et du second

  • Moulin la Lagune 2012, un assemblage 50/50 Cabernet-Sauvignon et Merlot présente les caractéristiques classiques d’un Médoc. Des aromes de cerise-griotte, une belle structure, des tanins fondus.

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  • Château la Lagune 2011, Assemblage de Cabernet sauvignon à 60% de merlot à 30% et de petit verdot à 10% séduit par la profondeur de sa robe, sa richesse aromatique et sa belle complexité.

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Marina-Ann Mendez , Brand Ambassador à Château La Lagune

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Je laisse au pro le soin de te parler du vin. Voici le commentaire du Guide Hachette des vins sur le 2011. Trois coup de cœur depuis le changement de propriétaire, dont deux consécutifs : ce vin est décidément à la hauteur de son environnement. …A la robe profonde répond un bouquet puissant, qui touche à la perfection : les notes toastées du apportent un soutien judicieusement dosé à un élégant fruité aux nuances de baies noires, qui se libèrent à l’aération. Savoureux, gras, ample et raffiné, le palais est par de fins tanins savamment extraits qui garantissent une belle longévité à cette bouteille.

Je ne saurais dire mieux. Je ne m’attarde pas. J’aimerais profiter du temps qu’il nous reste pour visiter la chartreuse XVIII. Grâce à l’extrême gentillesse de notre hôte Marina-Ann Mendez et la disponibilité du majordome Stéphane Morin nous avons eu le privilège de visiter les appartements privés, un ravissement pour les yeux. Imagine une maison de maître entièrement réhabilitée, repensée et redécorée avec un goût très sur, l’emploi de matériaux somptueux, le savoir-faire des meilleurs artisans, un immense souci du détail et je l’imagine une immense passion pour les lieux. Rien n’a été oublié, ni les fleurs dans les vases, ni les photos de famille qui donnent un supplément d’âme aux lieux. C’est intime, très émouvant. On se prend à rêver d’instants complices cachés derrières les lourdes tentures. Baudelaire le dirait mieux que moi._DSC2437

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,

Polis par les ans,

Décoreraient notre chambre ;

Les plus rares fleurs

Mêlant leurs odeurs

Aux vagues senteurs de l’ambre,

Les riches plafonds,

Les miroirs profonds,

La splendeur orientale,

Tout y parlerait

À l’âme en secret

Sa douce langue natale._DSC2447

On termine par Le sous-sol de la chartreuse. Il abrite une magnifique cuisine voutée comme les communs d’un grand château. Un piano La Cornue gamme Château, une immense cheminée équipée d’un tournebroche capable de rôtir un cochon de lait, une batterie de cuisine en cuivre rutilante et même la vaisselle de mémé, rien ne manque. C’est le royaume de Catherine Stewart, la chef en charge des invités de la famille Frey. A sa table, produits de saison et de région naturellement avec un grand soin dans la recherche des accords mets et vins. La cave privée est toute proche, on y prend l’apéritif et surtout on y choisit les précieux flacons pour le repas du jour. On aimerait s’y attarder, caresser les jolies bouteilles, la collection de vieux millésimes, mais il ne faut pas déranger la belle installation. On quitte les lieux à regret, on referme la porte délicatement sur cette aventure dans le monde de l’ultra-luxe et de l’élégance à la française._DSC2449 _DSC2455 _DSC3043_DSC2459 _DSC2460 (1) _DSC3054

Merci à Marina-Ann, Catherine et Stéphane d’avoir pris le temps d’échanger au sujet de cette belle demeure.

Pontet-Canet, Grand Cru Classé 1855 conduit en Biodynamie.

Biodynamie et réalité économique, deux concepts antinomiques ? Depuis sa certification en 2010, Pontet-Canet relève le challenge de faire prospérer une propriété viticole en mode biologique._DSC5338

Pari osé car Pontet-Canet, cinquième cru classé, appartient au monde exclusif et hautement spéculatif des vins de luxe. Dans cet univers d’excellence, les enjeux financiers, les exigences en matière de qualité et de régularité sont à leur maximum. Il fallait des hommes de conviction pour affronter l’establishment et la météo avec pour seule bible les prescriptions d’un chimiste de génie l’Autrichien Rudolf Steiner. Son ambition : combiner une forme d’homéopathie appliquée à la culture biologique, doublée d’une recherche d’autosuffisance, une volonté de trouver ou de fabriquer sur site les nutriments nécessaires à la culture. La méthode est née dans les années vingt en Silésie. On en parle beaucoup aujourd’hui dans le monde viticole même si le nombre de domaines certifiés reste faible particulièrement en bordelais.

Au moment où les médias s’emparent du dossier viticulture, où chaque jour l’abus de l’emploi de pesticides est montré du doigt, il apparaissait intéressant de regarder du côté des précurseurs. Comment réussir à limiter les intrants, à abandonner l’usage de pesticides tout en fabricant un vin d’exception ?

Le succès de Pontet-Canet tient certainement au duo propriétaire-maître de culture Alfred Tesseron-Jean-Michel Comme. Le premier a hérité du domaine acquis par son père en 1975. Il embauche très rapidement un ingénieur de 24 ans, Jean-Michel Comme, auquel il confie la direction de l’exploitation. Leur mutuelle confiance, leur engagement sans limites pour le domaine et leurs valeurs communes ont permis de faire de Pontet-Canet le premier et encore l’unique Grand Cru Classé 1855 à être certifié bio et biodynamie. La politique du domaine suit la recherche d’un équilibre entre les différents éléments, dans le respect de l’humain et du vivant. Les techniques artisanales sont privilégiées dans une démarche globale de respect du patrimoine. Ainsi les travaux d’embellissement et de rénovation des bâtiments sont faits par des artisans à demeure. A l’heure actuelle deux tailleurs de pierre sont sur la propriété et participent à la construction d’un nouveau bâtiment technique.

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Chai de vinification, cuvier Skawinski

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Etage du chai Skawinski , la vendange est versée par gravité dans les cuves

Une visite commence comme chez les prestigieux voisins par un tour du domaine aux jardins méticuleusement entretenus. Elle continue par le chai de vinification que rien ne semble distinguer des autres grands crus, même système de remplissage par gravitation, même souci de ne pas brusquer la vendange. La récolte et le tri restent manuels.

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chai de vinification, cuvier bois

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Chai de vinification, cuves tronconiques béton. 2004

L’originalité de Pontet-Canet réside dans son mode de culture, dans ses techniques de vinification dont notre charmante et très professionnelle guide Violaine Figon parle avec enthousiasme. Elle cite volontiers le stratège, l’inventeur de nombreuses machines et autres outils mis en place au domaine : Jean-Michel Comme le régisseur de Pontet-Canet. Notre curiosité se libère, nous multiplions les questions. Elle propose alors une rencontre avec l’homme de l’art. Jean-Michel Comme nous rejoint pour un temps d’échange impromptu. La visite prend alors des allures de confidences sur l’esprit des lieux. L’homme prend le temps de partager ses convictions, son expérience et de répondre à nos interrogations. Il s’exprime d’une voix posée, il semble très calme mais tellement déterminé.

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Convaincu de la dangerosité du suremploi de produits chimiques, il a réfléchi pour sortir le domaine de l’engrenage du toujours plus. Il ne veut pas un retour en arrière mais plutôt participer à l’invention d’une nouvelle agriculture plus respectueuse de la terre et des hommes.

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La conversion a pris du temps, Il a fallu tout repenser pour satisfaire au cahier des charges de l’agriculture biologique qui bannit les pesticides de synthèse et l’utilisation d’intrants. Les herbicides sont remplacés par l’arrachage manuel, les engrais d’origine naturelle (compost, fumier…) sont produit par un mini-troupeau composé de trois vache et d’un taureau. Suivant les prescriptions de Steiner, les sols, les vignes sont soignés en suivant le calendrier lunaire. Le cheval a été réintroduit en 2008 pour l’épandage des préparations homéopathiques dont la célèbre 501 à base de bouse de vache fermentée. Aujourd’hui les huit chevaux présents sur le domaine permettent d’entretenir en totalité quarante deux hectares sur les quatre vint un que compte Pontet-Canet. Ils participent aux divers travaux de labourage, de désherbage et de pulvérisation.

On a dû tout réinventer, comprendre, apprendre et adapter.

Prenons l’exemple du cheval. Il est apparu que les tracteurs modernes exercaient une pression si forte sur les sols qu’ils les tassent. Le cheval lui, permet un travail moins traumatisant pour les sols et donc pour la vigne. Mais il avait disparu du paysage médocain avec la mécanisation. Retrouver un cheval vaillant pour travailler et non pas paresser au pré a pris du temps. Jean-Michel Comme a d’abord choisi le postier breton ou le poitevin. Aujourd’hui il expérimente le percheron de petit gabarit, un animal robuste et travailleur.

Ici les chevaux ne sont pas au pré mais dans les vignes. Ils travaillent et doivent être vaillants.

Une fois le raisin récolté, en vendanges manuelles, la vinification en mode bio diffère de celles pratiquées en agriculture conventionnelle. Certaines pratiques sont interdites et d’autres limitées. L’ajout de soufre est soumis à de sévères restrictions et les additifs, qui servent à la fermentation, la stabilisation et la filtration, sont limités.

En plus des recommandations liées à la certification DEMETER, Jean-Michel Comme a poursuivi une réflexion personnelle sur la vinification. Pour aller plus loin dans la démarche de respect du produit, il cherche limiter les échanges vins et bois. Ingénieur de formation il dessine en 2005 un cuvier béton doté de cuves de 80hl destinées aux petites parcelles. En 2012, il lance le vieillissement en amphores béton. Pour rester proche du terroir, ses cent amphores sont moulées dans un béton intégrant pour une moitié des graves de Pontet-Canet et pour l’autre moitié du calcaire broyé. Les amphores ont la forme d’un oeuf inversé. Les lies circulent naturellement, elles sont moins en contact avec le vin. L’objectif est d’obtenir un vin avec moins de gras et plus de finesse. Aujourd’hui il vinifie 50% en barriques neuves, 15% en barriques de 1 an et 35% en amphores. Encore une pratique très différente de celles de ses proches voisins, souvent à 100% de barriques neuves.

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Chai d’élevage en amphore béton, 2012

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Et le vin ?

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La vinothèque , + vieux flacon 1942

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Produit de luxe et d’exception, Pontet-Canet s’exporte en majorité. Pour le plaisir des amateurs éclairés, il est toujours possible d’acheter quelques bouteilles au château. Une folie pour fêter un moment d’exception.

A l’issue de notre visite, nous aurons le plaisir de déguster un 2012, premier millésime vinifié pour parti en amphore.

  • Une jolie robe sombre, des arômes de fruit noir, de la fraîcheur et de la complexité. Encore quelques années et le vin sera superbe.
  • Une Beauté selon le critique James Suckling qui lui attribue la note 94-95.
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Les consommateurs, eux, plébiscitent le vin dont le succès est bien supérieur à son classement. Pontet-Canet se vend presque en totalité en primeur avec une facilité jamais démentie. Même les années jugées difficiles sont écoulées en deux jours auprès des négociants allocataires.

Cette confiance des négociants dans la commercialité du vin a soutenu Jean-Michel Comme dans les moments difficiles. La conversion en bio n’a pas été facile. Il se souvient de 2007 un millésime très difficile où tout a failli basculer. La nature se montrait rebelle. Pontet-Canet n’a pas flanché dans sa démarche, juste pris un peu plus de temps. Le domaine est certifié bio depuis 2010 et a obtenu le label Demeter en 2014. On aurait pu imaginer une vague de conversion massive au bio à la suite de Pontet-Canet. Il n’est est rien. Frilosité ou absence d’intérêt pour un label jugé inutile ? Le futur est pourtant dans le bio et même sans chercher la certification, la majorité des grands crus s’est lancé dans des pratiques plus vertueuses. Communication, bio cosmétique ou posture marketing, l’avenir nous le dira.

Pontet-Canet, quelques informations techniques

  • Source : site Pontet-canet.com
  • Appellation : Pauillac
  • Superficie : 120 Hectares dont 81 en vignes
  • Géologie : Sol : graves du quaternaire
  • Cépages : Cabernet Sauvignon 62%, Merlot 32%, Cabernet Franc 4%,
  • Petit Verdot 2%
  • Age moyen des vignes : 40-45 ans
  • Mode de Culture : Certifié Biologique et Biodynamique
  • Densité de plantation : 9500 pieds par hectare
  • Engrais : Fumure composté (si nécessaire)
  • Taille : Guyot double médocaine
  • Vendanges : Manuelles, en cagettes