Entretien avec Julien lefebvre, chef de Cordeillan-Bages

Après Thierry Marx, le pionnier de la cuisine moléculaire et Le flamboyant Jean-Luc Rocha partis vers des destins parisiens, un normand, Julien Lefebvre, prend les commandes du restaurant gastronomique du Château Cordeillan-Bages. On sait peu de choses de ce nouveau chef sinon son parcours au sein de prestigieuses maisons tel le Pré Catelan*** ou la maison Pacaud avec Histoires** et le Divellec*. Pour le blog et en partage, voici quelques réponses à nos interrogations.

La cuisine et toi c’est une histoire qui débute comment ?

Tout simplement à la table familiale. A la maison, on cuisine. J’apprends très vite le goût du bon produit auquel nous avons facilement accès par la proximité avec les fermes de mes oncles et tantes. La suite, le choix d’en faire mon métier sera une histoire de rencontre, une opportunité de quitter le système scolaire classique qui ne m’attire pas particulièrement.

3 dates à retenir de ton parcours culinaire ?

  •        15 avril 2017 je signe ma première carte en tant que chef excutif au Château Cordeillan Bages
  •        25 mars 2016 je suis fier de servir le président de la République François Hollande dans le restaurant Histoires de Mathieu Pacaud à Paris
  •        28 février 2006 j’arrive au Pré-Catelan en tant que commis de cuisine. C’est mon premier poste dans un deux étoiles (trois aujourd’hui)

 Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?

J’ai de l’affection pour l’endroit où je venais déjà en vacances chez des amis. La région me rappelle ma Normandie, le beau temps en plus.

Tes influences, ta source d’inspiration ?

Ma cuisine repose sur des bases classiques, sur les valeurs de la grande cuisine française.J’aime ses traditions et le cérémonial qui l’entoure que je veux remettre en salle. J’entends dynamiser le service par des découpes sur guéridon. J’aime l’art contemporain, il m’inspire pour mes présentations. Mon souhait serait d’allier les deux dans un juste équilibre entre le respect du passé et la recherche de la modernité.

 Tes fournisseurs, tes bonnes adresses produits ?

J’attache une extrême importance au choix de mes fournisseurs et à travailler au plus près du territoire. Nous avons dans le Médoc une vraie richesse à exploiter. Je citerai à titre d’exemple :

  •        Ludovic Hulot pour ses superbes asperges vertes et blanches, ses fraises,
  •       Cyril Gassian à Castelnau pour sa charcuterie médocaine,
  •        Elodie Aubert, productrice de céréales bio à Saint Vivien du Médoc

 Quelle est ton idée de la cuisine, ton envie quand tu te mets aux fourneaux ?

Je reprendrais bien à mon compte la phrase de Curkonski, célèbre critique culinaire du XIX siècle. La cuisine c’est quand les choses ont le goût de ce qu’elles sont. J’ambitionne d’être le trait d’union entre le producteur, le produit et le client. J’ai envie de servir le produit, de le présenter sous différents états sans multiplier les saveurs.

 Au contact des plus grands, es – tu devenu un chasseur d’étoiles ?

Si ma priorité reste la satisfaction des clients, je ferai tout pour regagner les deux étoiles de Cordeillan – Bages. Je suis arrivé avec mon second Julien Rousseau, un fidèle depuis huit ans. Nous allons former une team d’excellence avec l’équipe déjà en place au château dont le chef pâtissier Anthony Chenoz et le sommelier Arnaud le Saux. Ensemble nous nous mettrons la prestation au niveau dans la culture du détail.

Anthony Chenoz, chef pâtissier et le Chef Julien Lefebvre

 Les qualités que tu préfères chez un chef ?

Humilité, respect des autres et générosité

 Tes produits doudou ?

Sans discussion les légumes et les poissons dans le total respect de la saisonnalité. Nous sommes en plein dans les petits pois et les artichauts, des produits remarquables.

 Ton plat signature ?

En souvenir de mon enfance en Normandie, de la pêche à pied aux grandes marées, j’ai imaginé une déclinaison en trois séquences autour du coquillage. On commence par une gelée de crustacés présentée comme un retour de vague avec dans la laisse de mer des coques, crevettes de l’estuaire et des pousse-pied. On continue par un soufflé contemporain aux praires et parfumé au curry. On termine par un riz venere (riz noir autrefois réservé à l’empereur de chine) au marc de raisin, coques et fèves. Ce plat sera présent à la carte toute l’année mais évoluera avec les saisons.

 Un Plat pour faire craquer les filles ?

Le turbot confit avec un minestrone de légumes estival et son bouillon au basilic. Elegant, raffiné et léger et goûts

 

Une adresse pour aller diner les jours off ?

L’Arrosoir à Saint Palais sur mer près de Royan, une terrasse posée sur le plage, un Bistro tenu par Alexandre Lavigne un copain de longue date, lui aussi ancien du Pré Catelan.

 

Merci Chef

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Soirée Art et Vin au Château Lynch-Bages

_DSC5746 _DSC5748Une complicité artistique unit la famille Cazes à la Galerie Lelong depuis 1989. La galerie parisienne, une des plus célèbres en matière d’art contemporain organise à Lynch-Bages chaque année une exposition autour d’un de ses artistes vedettes. En 2016, la famille Cazes choisit un nouveau format : une rétrospective des dix dernières années.

Du 12 mai au 31 octobre 2016, les visiteurs auront l’opportunité de venir découvrir 25 oeuvres, notamment dans le cuvier historique de la propriété._DSC5776

Quatorze artistes sont mis à l’honneur dans le cadre de cette rétrospective :

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Paul Rebeyrolle

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Pierre Alechinsky

Pierre Alechinsky, James Brown, Ryan Mendoza, Emilio Perez, Ernest Pignon-Ernest, Arnulf Rainer, Paul Rebeyrolle, Antoni Tàpies, Barthélémy Toguo, Jan Voss, Günther Förg, Jiri Kolàr, Gérard Titus-Carmel et Jean Le Gac.

Les grands formats exposés sont merveilleusement bien mis en valeur dans l’ancien cuvier dont les volumes généreux permettent à l’amateur d’apprécier le travail des artistes. Cette balade artistique peut se combiner avec la visite de la propriété ouverte au public. Lynch- Bages, cinquième cru classé à Pauillac se visite sur rendez-vous tous les jours de 9h30 à 12h et de 14h à 17h. Demande à être accompagné par Charles Thuillier, responsable de l’hospitalité à la propriété, sa passion du vin et son passé de sommelier en font un formidable conteur de la vigne et du vin.

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Voilà l’occasion d’une escapade en Médoc, d’un shopping trip au Bages Baazar suivi pourquoi pas d’un déjeuner au Café Lavinal où petite folie d’un diner gastronomique à la table de Jean-Luc Rocha au Château Cordeillan-Bages.

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Réservations

  • 05 56 73 19 31 – accueil@lynchbages.com
  • Château Lynch-Bages 33250 Pauillac.
  • Compte-rendu de ma visite dans les archives du Blog en juillet 2015
  • http://lemeilleurdebordeaux.fr/lynch-bages-un-terroir-des-hommes-et-un-savoir-faire/
  • http://lemeilleurdebordeaux.fr/diner-de-fete-a-la-table-de-jean-luc-rocha-chateau-cordeillan-bages/

Lynch Bages : un terroir, des hommes et un savoir-faire

Si l’été invite à la farniente, il donne aussi le goût des balades hors de Bordeaux. Voici en partage un bel après-midi à la découverte de Château Lynch-Bages, un Pauillac, cinquième cru classé. Tu quittes Bordeaux par le Bouscat et Blanquefort et rejoins Pauillac par la D2, environ 50 mn de route. Réserve ta visite à l’avance, le nombre de places est limité malgré la présence d’une équipe de 4 personnes à l’accueil du domaine. Nous aurons la chance d’être accompagné par Charles Thuillier, responsable de l’hospitalité à la propriété, sa passion du vin et son passé de sommelier en font un formidable conteur de la vigne et du vin.

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La visite commence juste devant l’entrée sur l’emblématique parcelle Château plantée en Cabernet Sauvignon, le cépage dominant des Médoc. Le site domine Pauillac et la Gironde, on le nomme aussi Le plateau de Bages; si tu regardes à l’Est, tu aperçois le fleuve en contrebas, la promesse d’une régulation thermique, d’une douceur océanique : ici les hivers seront tempérés, le Médoc ne craint pas le gel. Au Nord, les rangs de vigne semblent disparaitre, nous sommes sur un coteau, l’ensoleillement sera optimal. Au sol, tes yeux remarquent les galets, la grave : la terre est pauvre mais bien drainée, une condition nécessaire à la bonne maturation du raisin. La vigne, plante robuste a besoin de souffrir pour donner le meilleur. Dernière observation, les ceps pareils à des bonsaïs cachent un corps noueux et torturé sous leur abondant feuillage. A l’épaisseur du tronc tu mesures l’ancienneté de la vigne, environ cinquante ans. Les grappes encore vertes sont chargées en raisins de petite taille. Le rapport peau/pulpe sera élevé, promesse d’un vin riche en arome.

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Pour mettre en valeur ce terroir prometteur mais difficile, il fallait des hommes d’exception. Lynch est le patronyme du propriétaire, entrepreneur à l’origine du réel essor du domaine. John Lynch, catholique d’origine irlandaise s’exile en France après la victoire des protestants de Guillaume d’Orange à la Boyne en 1690. Brillant négociant, Lynch achète la propriété de Bages en 1750; ses descendants agrandissent le domaine, modernisent les méthodes de vinification : égrappage, sélection du raisin et même un second vin apparaissent au début du XIX siècle. Les guerres Napoléoniennes et le blocus anglais viennent perturber le bel équilibre. Les Lynch se séparent du domaine qui changera encore plusieurs fois de main au gré des calamités agricoles (oïdium, mildiou ou phylloxera). La grande dépression de 1930, un cataclysme économique, redistribue les cartes dans le Médoc, Lynch change une nouvelle fois de capitaine. En 1933, Jean-Charles Cazes, prend le domaine en fermage et le rachète en 1938. Le bel essor de Lynch-Bages commencera dans les années soixante avec le retour à la croissance pour la France et le Médoc. Les Cazes sont restés, Jean-Charles, arrière petit-fils du fondateur de la dynastie préside actuellement aux destinées du domaine. C’est une famille cosmopolite, très représentative du Médoc : une région insulaire longtemps étouffée par l’immense pouvoir économique des bordelais. Les médocains ont lutté pour imposer leur vin et sont souvent aller chercher ailleurs un revenu que la terre ne voulait pas leur donner. L’exil économique en France ou à l’étranger ne dure jamais toute une vie et nombreux sont ceux qui reviennent au pays, enrichis par la vie ou ses leçons comme Jean-Michel Cazes, père de l’actuel gérant, ingénieur des mines et ancien d’IBM.

Grand-père récoltait le raisin à la main, les grappes éraflées sur une table appropriée étaient foulées au pied. Le jus recueilli dans des cuves de bois était travaillé de façon naturelle, la fermentation durait beaucoup plus longtemps qu’aujourd’hui et restait soumise aux caprices de la météo. On craignait la chaleur et le froid. Garder un cuvier à température constante relevait de l’exploit. Avec la technique, le risque de faire un mauvais vin disparaît. L’œnologie moderne a apporté La régularité dans les millésimes et fortement contribué à la starification des Médoc. Les méthodes de vinification actuelles, balbutiantes dans les années 70 ont trouvé leur mesure dans les années 80. Aujourd’hui de nombreuses opérations sont mécanisées et la fermentation en cuve inox à température contrôlée par ordinateur permet un process plus rapide et plus régulier.Diapositive3

Le goût pour l’innovation fait parti de l’ADN de la famille Cazes. Chaque génération œuvre à conserver une avance technologique tout en respectant et perpétuant les anciennes bonnes pratiques comme le contrôle du soutirage à la bougie. Ce qui a le moins changé, c’est l’élevage du vin : 18 mois en fût de chêne. Les barriques, neuves pour 75% d’entre elles, proviennent des ateliers de sept fournisseurs français exclusivement, je citerai Berger &Fils à Saint Estèphe ou Nadalié à Ludon Médoc. Tous ces artisans travaillent le chêne de la forêt de Troncey dans l’Allier, les bois sont exploités depuis Colbert qui connaissait déjà la gestion durable puisqu’il obligeait les exploitants à replanter à hauteur de leur coupe.

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Dans le chai, les périodes de repos total alternent avec les opérations de soutirage et de collage: des manipulations nécessaires pour clarifier le vin et le débarrasser des lies résiduelles. Un long process de maturation qui conduit à commercialiser le vin trois ans après récolte. En 2015, le millésime 2012 arrive dans les rayons quand le 2013 vient tout juste d’être mis en bouteille. Tu imagines l’immobilisation de stock qui fait du vin un produit gourmand en capitaux.

Je termine la visite par l’ancien cuvier en bois, aujourd’hui musée et salle d’exposition. Gardien de la mémoire du Médoc, l’ouvrage de 1860 témoigne des méthodes de vinification du XIX. On remarquera l’ingéniosité des constructeurs de cette époque qui avaient équipé l’étage d’un réseau de rails servant de guide aux baquets utilisés dans la production. Une mini-chaine de montage avec un fouloir mobile capable d’être déplacé pour remplir chaque cuve et une cage de presse sur rail que l’on remplissait du mou pour ensuite faire un vin de presse.

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Le vin

Restons modeste, je laisse le guide hachette 2014 décrire le millésime 2010

un vin couleur cerise noire qui s’ouvre sur des aromes de fruits noirs et de poivre. Le palais puissant, carré, plein de mâche, soutenu par une solide charpente tannique traduit la forte présence du cabernet-sauvignon … le boisé vanillé est très présent… ce vin laisse présager une grande garde et s’exprimera mieux avec le temps.

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Traduction en langage blonde. Le Lynch-Bages porte haut les couleurs de son terroir, un bonheur pour les amateurs de vins à grand caractère. Les Cazes n’ont pas cédé à la mode du prêt à consommer, ils font un vin pour les puristes, ceux qui savent attendre un minimum de dix années pour laisser au vin le temps d’exprimer toutes ses saveurs et sa complexité à la dégustation.

Où acheter ce sublime breuvage ? Chez les meilleurs cavistes bien sûr mais déjà à la propriété dans l’étonnant multi-marque du village Cazes-Bages: le Bages Bazar. Imagine un magasin de décoration à l’assortiment digne d’une boutique parisienne ou New-Yorkaise, l’esprit du Bon Marché au cœur d’un minuscule village entièrement restauré par la famille Cazes: amazing! Linge d’office, coutellerie de cuisine, un rayon doudou et linge de lit assorti d’une belle sélection d’ouvrages sur le Médoc, le vin et la gastronomie, et bien sûr un espace dédié au vin où tu trouves tous les crus appartenant à la famille Cazes. C’est juste incroyable, les globeshoppers et les passionnés de vin ne peuvent que craquer._DSC3821Diapositive5

Last but not least tu peux finir la journée en feu d’artifice à la table de Cordeillan-Bages. Attention, pense à réserver, la cuisine de Jean-Luc Rocha se mérite; elle attire des visiteurs du monde entier. Faute d’accéder à la table doublement étoilée, console-toi au café Lavinal au cœur de l’adorable village de Bages, un décor typique de brasserie à la française doté d’une jolie cave.Diapositive4