la Grande Maison selon Pierre Gagnaire,  un modèle d’élégance à la française

Pierre Gagnaire, désigné en 2015 par ses pairs comme le meilleur de l’année dans le classement du magazine le Chef, a débarrassé la belle demeure de ses ornements superflus, de son côté Gatsby le magnifique. Il a modernisé le service, installé Jean Denis Le Bras en cuisine et demandé à Julien Gardin, son directeur, de te recevoir comme le ferait le maître de maison.L’arrivée reste spectaculaire avec la traversée du jardin de buis boules, écrin d’œuvres d’Art Contemporain. La nuit, les éclairages apportent un supplément de magnificence au bel équilibre de la façade classique. Nous entrons dans le hall, accueillis par un sobre bouquet de délicates lisianthus roses. Dans le fond, un escalier monumental monte aux chambres, sur la gauche se trouve un salon pour boire un verre avant ou après diner et sur la droite les deux salles à manger.

Du concept d’origine, imaginé par Bernard Magrez et la décoratrice Frédérique Fournier, Le chef a gardé l’essentiel comme un hommage à l’art décoratif français d’hier et d’aujourd’hui. L’ensemble impressionne de luxe : les lustres en cristal de Baccarat, les belles pièces d’argenterie anciennes, la magnifique carte des vins, un rêve pour les amateurs, La bibliothèque du précédent propriétaire, ses rayonnages d’ouvrages juridiques tout de cuir reliés et de superbes pièces de mobilier chiné par l’actuel propriétaire. J’ai remarqué un dressoir en bois re-laqué à décor de palmettes sans doute de style restauration, une pièce exceptionnelle. Dans sa jeunesse, la maison souffrait d’un léger surpoids, les nouveaux aménagements lui ont apporté élégance et légèreté. Les lourdes tentures en jacquards, habillage théâtral des fenêtres, sont remplacées par de simples rideaux immaculés. Les banquettes de velours alignées le long des murs ont disparu, les tables sont disposées avec plus de fantaisie comme dans le salon d’un somptueux château.

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profil-recadre-24Pierre Gagnaire a marqué son territoire de façon très subtile. Sur la cheminée de la bibliothèque, une caricature le montre aux côtés de Paul Bocuse chez qui il a fait ses premières armes. Il est en photo dans le salon mitoyen du restaurant.

Son arrivée a tout changé dans le service orchestré par Julien Gardin. Il lui a donné un nouvel esprit, plus fluide et professionnel. Les assiettes sont souvent dressées en salle comme dans un spectacle vivant, moderne et dynamique. Les convives apprécient la mise en scène et la vision très personnelle du chef sur la gastronomie. Avec lui un plat se démultiplie, se décline entre l’assiette principale et ses accompagnements. Sa cuisine prend l’exact contrepied d’une certaine modernité minimaliste. Avec lui revient le plat généreux nappé parfois d’une sauce épaisse comme la raviole de foie gras de l’entrée, clin d’œil à la cuisine gourmande d’autrefois. Nous sommes très loin des assiettes du prêt à photographier garnies de mini pavé posé sur une virgule de crémeux et entouré de petits points colorés.

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_dsc3250Pour autant il ne s’agit pas d’un retour en arrière. Nous serions plus dans une aventure audacieuse entre classicisme, valorisation du terroir et modernité maîtrisée.

Quand il sert une sole meunière, il la farcit de txistorra et l’accompagne d’une étonnante coupe d’haricots tarbais et couteaux en chlorophylle d’herbes, écume parfumée on the top.

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Le dessert reste dans la même idée de classique boosté par une création inattendue, véritable expérience culinaire. Le tout chocolat se compose d’un biscuit chocolat Araguani comme un soufflé chocolat très peu sucré, aux parfums de Bas-Armagnac. Il est servi avec son coulis de mûre à la liqueur de cassis et surtout son eau gélifiée de cacao, nougatine de morilles au café. Ultime heureuse surprise du diner avec ce service de champignons en final._dsc3281_dsc3276

Cette cuisine toute imprégnée du meilleur de la tradition culinaire française séduit par son élégance. Elle s’inscrit parfaitement dans la tendance du vintage, du charme de l’ancien, de la redécouverte des classiques de notre gastronomie. Lassé d’avoir couru le monde et de s’être enivré des parfums d’ailleurs, le foodlover se plait à retrouver ses racines, son terroir, son identité française. Pour autant, il ne renoncera pas à la modernité. Il veut toujours faire de nouvelles découvertes, être surpris. Pierre Gagnaire a parfaitement compris ces attentes, cette retro attitude. Fort de son expérience de chefs multi étoilé, propriétaire de restaurants dans le monde entier, il flatte nos sens, rassure nos papilles et nous fait vivre une des plus belles expériences culinaires du moment.

Un superbe Blanc Fumé de Pouilly, domaine Daguenau a sublimé notre diner. Ce sauvignon, très minéral à l’ouverture, a gagné en complexité en s’ouvrant au cours du repas. Merci au sommelier Pierre Millaud pour ses conseils pertinents.

 La Grande Maison

La Grande Maison selon Joël Robuchon : le charme d’un intérieur bourgeois, l’excellence de la cuisine française.

Pierre Gagnaire, Triple stars pour son restaurant de l’Hotel Balzac, Paris, a repris les cuisines de la Grande Maison depuis juillet 2016La Grande Maison Bordeaux

Un bijou d’hôtel particulier, des assiettes arty, l’ultra-maîtrise des cuissons & des saveurs. Des mots simples, un article comme un jus réduit à l’essence même du goût, fruit d’une maturation longue d’un mois de réflexion.

Oui, il est difficile voire périlleux d’écrire sur la Grande Maison. L’adresse associe la cuisine de Joël Robuchon , Le Chef aux 17 restaurants et 25 étoiles Michelin au sérial entrepreneur du vin Bernard Magrez. Le projet mis la gastrosphère en ébullition bien avant l’ouverture du restaurant. Les mois ont passé, les convives invités se sont fait plus rares de même que les articles élogieux, il était temps de tester le concept.

Imagine l’expérience en deux temps : en premier une invitation au voyage dans le luxe discret du Bordeaux bourgeois façon XIX, ensuite une rencontre avec la cuisine de l’excellence so XXI.

Les grilles à peine franchies, l’œil est flatté par la magnificence des lieux, ici tout est luxe, calme & volupté. Un jardin manucuré, écrin de quelques œuvres d’art contemporain, puis une demeure de maître restaurée dans le plus grand art. Bernard Magrez et la décoratrice Frédérique Fournier ont voulu le meilleur de l’artisanat français comme les tissus Pierre Frey, les lustres en cristal de Baccarat, les belles pièces d’argenterie ou la vaisselle de présentation en céramique d’Erik Ifergan. La bibliothèque d’origine et ses rayonnages d’ouvrages juridiques tout de cuir reliés a été conservée. Elle témoigne de l’activité du précédent propriétaire. L’ensemble confère au lieu une grande solennité qui n’invite pas aux démonstrations d’enthousiasme. Retiens toi de t’exclamer à la vue de chaque plat. Oui, oui c’est trop beau mais calme-toi garçon, on n’est pas chez maman! Concentre toi sur ta dégustation.

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_DSC5736Les saveurs sont subtiles, créatrices d’émotion. Le plaisir intense arrive sans brutalité, il laisse en bouche des parfums durables. Je me souviendrai longtemps du plat déjà fétiche : l’araignée en gelée servie en amuse bouche. L’assiette tu la connais, son look très prêt-à-photographier lui a fait faire le tour du Web. La saveur, elle, captive de sa gelée dorée agit comme la madeleine de Proust. Que tu sois un vrai breton ou juste un amoureux de l’ouest sauvage, tu retrouves dans une composition ultra sophistiquée le goût très fin du crustacé dont enfant tu aimais suçoter les pattes et te régaler de sa chair ultra-parfumée, surpassant même celle du homard.

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Adoré aussi le poisson, un cabillaud à la chair nacrée et fondante en bouche.

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Passe le chariot de dessert élégant mais classique et le voyage se termine là, un peu brutalement pour celui qui ne choisit pas le menu dégustation à la longueur décourageante. Pas vu le chef Tomonori Danzaki, à la grande maison tu ne fais pas le caprice de demander à aller en cuisine. Pas grave, cette fois ci mon chéri ne sera pas jaloux.

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