Le Jardin Pêcheur, restaurant solidaire

Ilot préservé du passé au centre d’un quartier à l’ambitieuse modernité, le Jardin Pêcheur attire d’abord par sa physionomie extérieure, une étonnante structure en bois brut. Marc Eyssatier, l’architecte du projet, a choisi de prolonger les façades de maisons anciennes par une extension rappelant une coque de bateau inversée. Il nous livre ainsi son interprétation de la guinguette telle qu’elle a pu exister sur les bords de Loire dans le passé. On ne danse pas encore au bord de la Garonne mais cette adresse nous réserve de belles surprises.

A la fois restaurant et entreprise adaptée*, cette nouvelle adresse apporte une vraie dimension humaine au quartier des bassins à flots. Pour revenir au projet, le jardin pêcheur doit à la guinguette sa filiation avec la première réalisation de Pierre Maly à Trelissac en Dordogne. Ce jeune retraité, ancien directeur d’un centre médico-social a déjà créé en 2007 un premier restaurant, lieu de vie et entreprise sociale. Il souhaitait alors prolonger son travail d’accompagnement de jeunes psychotiques par une structure capable d’offrir un emploi aux adultes handicapés.

Pour lui, toute personne même cassée ou cabossée a besoin d’une inscription sociale qui passe par un travail. Il milite avec enthousiasme pour le droit au travail généralisé. Face au handicap, il ne baisse pas les bras. Son discours est éminemment convaincant, d’autant plus qu’il parle avec une grande simplicité d’une problématique qui nous semble si complexe. Avec un public très éloigné de l’emploi capable d’assumer un poste sur un nombre limité d’heures, il ne renonce pas. Je le cite :

Quand on est face à un unijambiste. Soit on lui parle de la jambe qui lui manque et on pleure. Soit on lui parle de celle qui lui reste et on lui propose d’avancer avec.

Fort de cette formidable philosophie et de la réussite de son projet périgourdin, il a su convaincre un grand nombre d’interlocuteurs de le suivre dans cette belle aventure humaine. En premier Nicolas Michelin, l’architecte responsable de l’atelier des Bassins à Flots a complètement adhéré au projet. C’est lui qui a voulu cet emplacement unique et symbolique comme un trait d’union entre Bacalan la rouge et le Bordeaux bourgeois des Chartrons.Bordeaux Métropole, propriétaire du terrain a concédé un bail emphytéotique de 45 ans avec une clause d’exploitation en entreprise sociale et solidaire. Duval Développement porte le projet immobilier dont le jardin pêcheur est seulement locataire. Il a fourni la structure brut de béton. L’investissement pour les aménagements intérieurs et le matériel de cuisine se monte à 900 000 euros financés à hauteur de 850 000 euros par des subventions :

  • 250 000 € du FEDER, Fond Européen de Développement au titre de la politique de la ville
  • 165 000 € de la Fondation Eiffage
  • Et aussi la Caisse D’Epargne, la Fondation Bruno, l’Honneur en Action et le CCAH.
  • Au total, une quinzaine de donateurs ont participé au projet.

    Equipement ultra moderne pour une meilleure ergonomie des postes de travail

    Le matériel permet de soulager le personnel

Le restaurant ouvert depuis seulement huit jours démarre très fort. L’emplacement stratégique au pied du pont Chaban-Delmas et l’architecture identitaire du lieu attirent. Le professionnalisme de toute l’équipe et la résonnance sociale du concept finissent de gagner une clientèle de bureau qui trouve un lieu où bien manger dans un quartier encore peu équipé. A la tête du restaurant, Amandine Tribbia, une grande professionnelle, ancienne de Starbucks que la maladie a détourné momentanément d’un parcours prometteur. En cuisine, Le chef Arnaud Labodinière encadre et conseille une équipe encore en phase de rodage. Enthousiaste et pédagogue, le seul valide de l’établissement veut porter son équipe au plus haut pour proposer chaque jour un menu complet et un service à la carte le soir.

Le Chef Arnaud Labodinière et une partie de sa brigade

Ce midi, nous avons choisi la formule à 17€ avec salade, le poisson du jour et un crumble. Frais, bon et servi rapidement. Le Jardin Pêcheur semble bien parti. Il ne manque qu’un rayon de soleil pour que le restaurant valorise son gros potentiel, une terrasse avec vue. Installée au premier étage, elle dispose d’un joli aperçu sur le pont Chaban-Delmas. Les visiteurs de la cité du vin toute proche, les employés des sociétés du quartier vont adorer le spot.

Le Jardin Pêcheur- Garonne

  • 05 56 10 88 68
  • 1 quai Armand Lalande, Bordeaux
  • Ouvert tous les jours du petit déjeuner au diner.

 

* L’Entreprise Adaptée (EA) place au cœur de son projet les personnes handicapées qui ne peuvent, temporairement ou durablement, s’insérer dans l’entreprise ordinaire.

Elle est une entreprise à part entière, qui permet à des personnes reconnues travailleurs handicapés orientés par la Commission des Droits à l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) « marché du travail » d’exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées à leurs besoins.

Elle emploie au moins 80% de salariés handicapés dans ses effectifs de production.

Le statut du travailleur handicapé qui y est employé est celui d’un salarié de droit commun à part entière. Leur contrat de travail peut être à durée déterminée ou indéterminée. Ils perçoivent un salaire fixé compte tenu de l’emploi qu’ils occupent et de leur qualification par référence aux dispositions réglementaires ou conventionnelles applicables dans la branche d’activité, qui ne peut être inférieur au SMIC.

 

Pour aider les Entreprises Adaptées à réaliser cet objectif et compte tenu de leur spécificité, elles bénéficient de deux aides de l’Etat :

  • Une aide au poste
  • Une subvention spécifique qui compense les surcoûts liés à l’emploi de personnes handicapées à efficience réduite.

Les Entreprises Adaptées passent un contrat d’objectifs triennal (COT) avec les services de l’Etat, qui vaut agrément.

EA :

  • Mission : intégrer durablement les travailleurs handicapés dans l’emploi
  • Objectif : créer de la richesse pour créer des emplois durables et de qualité
  • Financement : Autofinancée à 80%
  • Le travailleur est un salarié, il est rémunéré à 100% du SMIC minimum