Les Prés d’Eugénie, le palace à la Française de Michel Guérard.

J’aimerais croire au paradis, à un lieu béni hors de l’espace temps où la vie s’écoulerait tout doucement. En attendant l’immatériel Eden, je sais qu’il existe en France des endroits magiques, des îlots de luxe, de tradition gourmande et d’exquises manières.

Séjourner aux Prés d’Eugénie, la seule table trois étoiles d’Aquitaine, j’en caressais l’idée depuis notre arrivée à Bordeaux. Mon homme a réalisé mon rêve d’un interlude gastronomique, d’un moment de douce nonchalance dans un domaine enchanteur. Il m’a offert la vie de Palace.

Merci Darling, pour ce magnifique cadeau d’anniversaire. Salles à manger, salon, jardins, repas gastronomique, repas comme à la ferme et rencontres en cuisine, j’ai tout photographié, tout enregistré pour ne rien perdre de la magie des lieux. Alors au fil de trois articles, je partagerai tout cela avec vous.

Je t’invite à me suivre à la découverte de la planète enchantée de Christine et Michel Guérard, un soleil doté de nombreux satellites, un relais et château d’exception élevé à la distinction de Palace depuis ce mois de juillet.

Sitôt franchies les grilles d’enceinte, commence l’émerveillement :

  • Le parc planté d’arbres multi-centenaires, agrémenté de roseraies et de collections de buis taillés,
  • Le jardin de palmiers, de bambous et de fontaines, veillé par deux lévriers de pierre, féérie exotique la nuit venue,
  • La maison de maître à l’architecture inspirée des plantations de Louisiane. Les plafonds aux poutres apparentes, les sols en larges dalles de pierre, les parquets Versailles laissés naturel, les murs en lambris blancs, des matériaux nobles et bruts comme dans un château de campagne.
  • L’hôtel de charme aux allures de Saigon d’avant guerre avec sa belle façade blanche, flanqué d’une galerie, pour abriter les amours d’un jour ou d’une vie.
  • Le bel ordonnancement des balcons en fer forgé posés sur le jardin d’eau à la française pour un petit déjeuner romantique

Le restaurant gastronomique où officie le plus titré des chefs d’Aquitaine, trois étoiles depuis 1977. La cuisine vaste et lumineuse dotée d’une cheminée pour rôtir les viandes à la braise.

Le lounge bar de trois cent mètres carrés meublé comme un club anglais où l’on vient après diner déguster un armagnac au milieu d’une collection de tableaux à faire pâlir d’envie tout conservateur de musée.

La ferme landaise reconstituée et son jardin clos de roses anciennes, une recomposition délicate aux allures de Petit Trianon, aménagée pour des soins bien-être.

Passé le moment de timidité devant tant de luxe et de beauté, tu apprécies d’être reçu chaleureusement sans fausse manière, salué, choyé sans affectation et servi avec le sourire. Il règne dans cette Maison une ambiance toute particulière d’excellence et de gentillesse que seuls les restaurants de propriétaire peuvent créer. Michel Guérard n’a pas multiplié les adresses, il est resté concentré sur l’endroit qui lui donne ses trois étoiles au Michelin depuis quarante ans. Le soir venu, il vient saluer les convives attablés au restaurant gastronomique. Démarche vive, œil malicieux, il a un mot pour chacun, un message spécial pour les habitués. C’est un bonheur de le rencontrer, un régal de dîner à sa table.

Le repas terminé, on se plaît à flâner dans les jardins, à s’asseoir dans un petit salon ou à déguster un vieil armagnac au Loulou’s bar. Dans un tel cadre, l’esprit s’évade et vagabonde. Il suffit de fermer les yeux, on s’imagine au temps d’Eugénie de Montijo, la belle espagnole dont la beauté rayonnante s’affiche sur les nombreux portraits qui habillent les murs des salles de réception. Ici on n’oublie pas que la station d’Eugénie les Bains doit son origine à la femme de Napoléon III qui lança la station thermale en 1861. Le temps a passé emportant avec lui l’Empire et la mode de prendre les eaux. Il reste le cadre d’exception remis à l’honneur grâce à la passion du couple Guérard.

Ils ont fait des Prés d’Eugénie un hôtel cinq étoiles, fleuron du luxe à la française, reconnu par leurs pairs comme un des meilleurs. Le domaine fait partir du comité Colbert, un cercle très fermé de maisons prestigieuses. Dans ce club ultra-sélect, les membres sont choisis sur la base de cinq critères : l’ambition internationale, le caractère identitaire de la marque, la qualité, la création, la poésie de l’objet, l’éthique. On y trouve les plus grands noms du luxe national venu du monde des arts décoratifs, de l’hôtellerie de luxe, des très grands vins de bordeaux et quelques cuisiniers de talent. Dior, Chanel, Hermès, Saint-Louis, Château Lafite-Rothschild ou Baccarat, ils ont pour ambition de porter haut la culture française, de promouvoir le goût français et de créer un vivier de jeunes talents. Des jeunes talents, les Prés d’Eugénie n’en manquent pas, ni en salle ni en cuisine où la moyenne d’âge ne doit pas être très élevée. Mais pour l’instant, on ne parle par de relève, de succession. A quatre vingt ans passés, Michel Guérard irradie d’enthousiasme et de bonne santé, preuve éclatante des bienfaits de sa cuisine minceur.

Les Prés d’Eugénie – Michel Guérard

  • Relais & Châteaux à 2h de Bordeaux -175km
  • 334 rue René Vielle, 40320 Eugénie-Les-Bains
  • www.michelguerard.com/

 

Le diner à la maison Bras, l’ultime aventure gastronomique

Comme tous les food lovers, j’ai rêvé d’un diner au Suquet et d’une rencontre avec le maestro de la cuisine végétale. Je ne dis pas le pape car Dieu ne s’invite pas dans les assiettes. Restons sérieux, nous n’entrons pas en gastronomie comme on entre en religion. Pourtant l’expérience se mérite et les comparaisons seraient faciles. Il faut suivre un long parcours initiatique pour avoir la chance de diner à Laguiole.

En premier, tu dois réserver une table en tenant compte de la fermeture hivernale du restaurant. Sébastien Bras travaille essentiellement les légumes de son jardin. Mais le potager ne produit pas assez l’hiver lorsque la neige s’invite sur le plateau de l’Aubrac. Ensuite, la maison Bras, trois étoiles Michelin, affiche complet trois semaines à deux mois à l’avance, selon la période. Tu dois aussi compter avec l’emploi du temps de chéri. L’ensemble fait un délai d’attente de plusieurs mois.

Le jour venu, il faut rejoindre le site au cœur de l’Aveyron, 4h30 de route par l’A89 depuis Bordeaux. Le temps s’étire, élastique et insipide en voiture. Viens enfin le moment ou tu quittes le village de Laguiole pour monter vers le plateau. Depuis la route tu découvres les trois bâtiments du domaine construits à flanc de colline, sans étage comme posés au cœur du paysage. Depuis le parking, tu rejoins le restaurant par un chemin bordé de fleurs des montagnes et là direct, c’est le choc visuel : le bar salon en surplomb. Il est entièrement vitré comme toutes les faces du restaurant qui donnent sur la vallée. Rien n’arrête le regard, l’Aubrac est à nos pieds, superbe!

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A l’intérieur, la décoration surprend par sa japonisante sobriété. Peut être une résonnance avec le Japon, pays où la maison Bras s’est installée en 2002. Ici règnent la pierre brute, le bois blond et les fleurs du jardin de Michel Bras. Avant de passer à table, nous sommes invités en cuisine pour un bref échange avec le chef Sébastien Bras désormais aux commandes. Il quitte les fourneaux pour nous saluer avec une extrême gentillesse et une disponibilité rare pour un très grand.

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Viens le moment de prendre place autour d’une table avec vue sur le plateau. Nappe immaculée, serviette de lin brodée d’une fleur de cistre, couvert en étui et bouquet de chardons bleus la mise en scène est impeccable. Trois étoiles oblige. Un paquet enveloppé d’un linge blanc nous intrigue. Nous le découvrons bientôt, à l’intérieur se cache une petite miche de pain maison. Autre surprise, la sculpture bouquet se croque, elle ressemble à une croûte de pain.

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Notre choix se fait rapidement entre les trois propositions dont un menu végétarien et un menu découverte. Naturellement, à l’issue de 400km de route, nous choisissons l’expérience totale, le combo : plat emblématique de la région + ceux du restaurant + les créations de Sébastien Bras. Impossible de manquer le Gargouillou de jeunes légumes, le plat iconique du restaurant inventé il y a trente six ans par Michel Bras.

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Le Gargouillou : une composition d’herbes, de fleurs, de légumes du potager du chef et de graines germées boostée par une tapenade, un coulis de poivron jaune et un coulis de poivron rouge. L’assiette telle la palette du peintre fascine par ses couleurs, la variété des herbes et son élégante architecture. La dégustation étonne par la richesse des saveurs. L’histoire du plat émeut. Michel Bras a voulu son plat comme une brassée de l’Aubrac en partage, une composition évolutive dont les ingrédients changent avec les saisons. Tout simplement beau, d’une extrême délicatesse et surprenant en bouche ce plat pourrait à lui seul représenter la cuisine végétale. Etonnante modernité d’une création pensée et proposée à la carte de Michel Bras, il y a déjà trente ans. Inouï ! Aujourd’hui largement imité, Il devait être bien seul à l’époque à prêcher pour une cuisine nature._dsc7290 _dsc7294

 

Les légumes, les racines, les fruits et les fleurs de l’Aubrac serviront de fil conducteur au reste de la dégustation. Le chef privilégie les produits locaux : truffe noire de pays, bœuf de l’Aubrac, superbe plateau de fromage de l’Aveyron, myrtilles sauvages et nectavignes du voisin. Il n’oublie pas ses origines, ses grands-parents et le fameux aligot servi en extra. Les amateurs de plat traditionnel adorent ce mélange de purée et de tomme fraîche. Le repas, fresque un festin se termine de façon ludique par les canailleries, des glaces en mini cornets. Ultime gourmandise de notre aventure.

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